REVUE | La lumière de Gaudium et Spes éclaire avec lucidité les défis mis en lumière par les récits prophétiques du xxe siècle (Benson Orwell, Houellebecq). Si les chrétiens jouent leur partition d’unité, de courage et de lucidité spirituelle, ils pourront témoigner du réalisme de l’espérance. 

Extrait de Liberté politique n. 66, printemps 2015
Par MATTHIEU ROUGÉ, prêtre du diocèse de Paris, ancien directeur du Service pastoral d’études politiques, auteur de L’Église n’a pas dit son dernier mot (Robert Laffont, 2014).
Dossier : Cinquante ans après Gaudium et spes, le réalisme de l’espérance politique

POUR INTRODUIRE notre réflexion commune sur l’espérance politique, il me revient de traiter du grand récit apocalyptique de la liberté à travers Gaudium et Spes. Je ne sais pas comment les uns et les autres vous auriez abordé ce sujet et quels exemples vous auriez choisis pour l’illustrer. Je vais vous dire comment j’ai essayé de le comprendre pour partager avec vous ces quelques réflexions et quelques convictions.

Le mot « apocalyptique » nous fait immédiatement penser au texte attribué à saint Jean qui conclut le Nouveau Testament. On y trouve cet émerveillement devant le Christ, l’Agneau immolé : « Tu es digne Christ et Seigneur, de prendre le Livre et d’en ouvrir les sceaux. Car tu fus immolé rachetant pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute tribu, langue, peuple et nation » (Ap 5,9). Il me semble que considérer ensemble la réalité politique et l’espérance théologale, c’est comprendre que dans le Christ, et dans le Christ seulement, nous avons la pleine lumière pour comprendre le mystère de l’homme et le mystère de l’histoire.

Le sens du mot “apocalypse”

Quelques mots sur le terme « apocalypse » : c’est une notion ambivalente. Dans le langage courant, c’est le cataclysme, la catastrophe finale. De temps en temps, des sondages sur les opinions religieuses contemporaines posent la question : « Croyez-vous à l’apocalypse ? », ce qui veut dire dans l’esprit des sondeurs : « Croyez-vous au cataclysme final, à l’explosion de toutes choses ? Croyez-vous que l’histoire soit orientée vers une ultime et gigantesque catastrophe ? » De fait, le langage « apocalyptique », qui désigne un genre littéraire précis dans la littérature biblique, n’hésite pas à employer des images fortes qui mettent en lumière le caractère dramatique de l’histoire humaine.

Mais le mot apocalypse doit être d’abord compris dans sa vérité et dans sa profondeur. « Apocalypse » veut dire en grec « révélation ». Dans nos bibles francophones, nous nous sommes contentés de translittérer le mot grec alors que la Vulgate avait traduit « apocalypse » par revelationes. Dans les bibles anglaises, de la même manière, vous trouverez le Book of Revelations. L’Apocalypse est la révélation profonde de ce que Dieu est en train d’accomplir pour son peuple, pour l’humanité. Mais comme ce que Dieu est en train d’accomplir dépasse l’entendement immédiat, le sensible, le visible, la Bible l’exprime de façon imagée. On a des pages extrêmement étonnantes, et fécondes aussi, de ce langage apocalyptique dans le livre d’Ézéchiel, dans celui de Daniel. Saint Jean, à qui est attribuée l’Apocalypse, reprend ce patrimoine spirituel, sémantique, littéraire de l’Ancien Testament pour nous faire comprendre comment toute l’histoire, marquée à cette époque par de très rudes persécutions, peut être relue, interprétée, comprise par les chrétiens à la lumière du mystère pascal du Christ mort et ressuscité, à la lumière de l’Agneau immolé qui invite toute l’humanité à participer à ses noces éternelles. La joie des chrétiens, leur manière de vivre dans l’espérance, c’est la joie de la résurrection promise, déjà accomplie, mais vers la plénitude de laquelle nous marchons.

Il y a donc dans la réalité apocalyptique une dialectique entre le visible, marqué par les conflits, les difficultés, les interrogations, les raisons de désespérer parfois — il ne faut pas les nier — et l’invisible, à pressentir éventuellement avec des images, par des détours littéraires et spirituels, qui nous permettent de comprendre comment l’œuvre du Christ est en train de s’accomplir, qui nous aident à saisir que le monde nouveau est en travail d’enfantement, « un enfantement qui dure encore », comme dit l’Apocalypse (cf. Ap 12.2), mais « un enfantement » dont nous savons dans la foi qu’il est en train de conduire à la vie pleinement réalisée dans le Christ.

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