On sait qu'une loi sur la laïcité sera présentée dans les prochains jours par le gouvernement à la discussion du Parlement. Il y a lieu de manifester un scepticisme solide sur les vertus d'une action législatrice qui n'ajoutera, au fond, rien de nouveau au dispositif en cours.

Cependant, il est une question intimement liée à celle de la neutralité républicaine et du respect des consciences, qui risque de s'avérer plus déterminante encore pour les règles de notre vivre ensemble. C'est celle de l'école qui, au demeurant, sera partie prenante des mesures qui concernent les signes ostensibles d'appartenance religieuse.

Que veut-on préserver de toute présence préjudiciable à l'autonomie de l'espace public, sinon cette école, qui demeurerait, du moins dans certains esprits et une certaine mythologie, un "sanctuaire" que l'on voudrait dévolu au seul service désintéressé du savoir et de la culture ? Or force est de constater que cette école, quelque peu idéalisée, est par ailleurs l'objet d'une vaste enquête, destinée selon ses initiateurs, à faire le point sur sa nature et ses missions. Toute la communauté éducative - ce qui fait, maîtres et parents d'élèves réunis, plusieurs millions de personnes - est appelée depuis plusieurs semaines à s'exprimer librement sur l'avenir d'une institution qui, d'évidence est en crise.

C'est donc un étrange paradoxe que cette volonté de considérer encore comme un sanctuaire une école incertaine d'elle-même et qui apparaît, pour le moins, très éloignée des idéaux fondateurs de la IIIe République. L'idée même paraît largement obsolète après les décennies de propagande autour de l'ouverture à la vie, à l'entreprise, voire à l'univers propres aux enfants mis au centre du système...

Il faut avoir le courage de le dire, l'école de Jules Ferry était fondée sur une orthodoxie républicaine qui a éclaté au cours des années soixante/soixante-dix, sous l'effet de facteurs hétérogènes. La philosophie libérale de l'État a pris le dessus sur une philosophie républicaine incapable de résister à la surenchère des individualismes et des pluralismes. La culture classique a été la première victime de cet éclatement, dès lors qu'un pédagogisme tout puissant s'opposait au respect du patrimoine qui était de règle jusqu'alors. Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le sort dévolu à l'enseignement de la littérature.

Dès lors, il est complètement vain de vouloir resanctuariser un espace qui ne se reconnaît plus dans le vieil esprit républicain. À moins de tout vouloir refonder ? Sur quels principes et à partir de quel consensus national ? Aura-t-on le courage de dire toute la vérité ?

Gérard Leclerc est éditorialiste de l'hebdomadaire France catholique. Article à paraître dans la prochaine édition de France catholique (nouvelle formule).

> D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage

>