La technocratie, les médecins et les politiques

Source [Causeur] Crise sanitaire: Quand la République des experts montre ses limites, le politique doit impérativement reprendre la main.

Aujourd’hui en France, il n’est même plus question d’approvisionnement en gel hydro-alcoolique. Les autorités n’affirment plus que le port du masque est « inutile », mais la pénurie persiste dramatiquement malgré les réquisitions et les commandes annoncées depuis plusieurs semaines. Quant à l’augmentation massive des dépistages qui est absolument essentielle contrairement à ce qui a été dit au début de l’épidémie, la Direction Générale de la Santé a finalement promis de tripler, « dans les semaines à venir », nos capacités de tests recherchant la présence de l’ADN du virus, passant de 9000 à 29 000 dépistages par jour. Mais le pays connaît toujours par ailleurs des pénuries majeures de réactifs et même d’écouvillons pour pratiquer ces tests. 

Enfin, tandis que les experts du gouvernement persistent dans l’affirmation que la chloroquine est très probablement inefficace, le Haut Conseil de la Santé Publique a accepté d’autoriser sa prescription uniquement « dans les cas les plus sévères » d’hospitalisation, et « à défaut », au risque en fait d’une utilisation devenue forcément sans effet dans ces cas le plus souvent désespérés. Pourtant une autre interprétation du principe de précaution inclinerait à recommander le seul traitement disponible même si son efficacité n’est pas prouvée selon les critères scientifiques, d’autant que le rapport bénéfice/risque est plutôt favorable, étant donnés les effets secondaires relativement limités semble-t-il de l’antipaludéen (utilisé depuis des décennies pour différentes pathologies).

Comment s’étonner alors que 79% des sondés jugent que l’État a trop tardé pour prendre les mesures adéquates contre la propagation du coronavirus (selon l’enquête Ipsos-Sopra Steria réalisée les 20 et 21 mars dernier). L’impréparation à l’épidémie (pourtant prévisible d’un point de vue épidémiologiste probabiliste) est patente, et son constat handicape un soutien massif à l’équipe gouvernementale de la part de la population dans cette épreuve. Certes, étant donné l’état actuel de l’épidémie et des capacités de prises en charge des cas graves dans le circuit hospitalier, le confinement le plus strict de la population est devenu un moyen indispensable pour maîtriser la situation sanitaire du pays. Cela doit être répété, assimilé et respecté scrupuleusement (ce qui hélas n’est pas le cas sur certaines parties du territoire où les contrôles de police sont rendus des plus périlleux). 

Si seule une adhésion massive aux mesures de confinement est susceptible de rendre efficace le dispositif, l’adhésion intellectuelle, politique et médicale à la stratégie globale adoptée en amont par le gouvernement depuis janvier quant à elle, n’a pas à faire l’unanimité. Il ne faut pas confondre incivisme et débat politique, et encore moins assimiler divergences d’analyses épidémiologiques et de choix thérapeutiques, à des attitudes irresponsables voire rebelles. Car il semblerait que la logique du chercheur (rigueur de la méthode), teintée parfois de condescendance à l’égard des « non-scientifiques », prime dans les décisions gouvernementales sur la logique du médecin (soigner et tenter de guérir coûte que coûte). Et lorsque les deux démarches tout aussi légitimes au demeurant, deviennent antagonistes, les gouvernants doivent trancher.

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