À l'occasion de son assemblée générale annuelle, tenue à Singapour, le Fonds monétaire international (FMI) a publié ses prévisions économiques pour 2006 et 2007, dans sa nouvelle édition du World Economic Outlook.

Jamais la croissance n'a été aussi rapide (depuis 35 ans, soit le début de la décennie 70) que celle que nous vivons depuis 2004. Certes, il faut nuancer selon les pays et la vieille Europe est à la traîne. Surtout, il existe un certain nombre de menaces qui pèsent sur la croissance. Mais pour l'instant, l'optimisme est de rigueur.

Une croissance mondiale de 5,1% cette année

L'économiste en chef du FMI, Raghuram Rajan est optimiste sur l‘économie mondiale et sa croissance et il le fait savoir à l'occasion de l'Assemblée générale annuelle du FMI, tenue à Singapour, qui a par ailleurs adopté diverses mesures pour tenir compte de la place croissante des pays émergents. Les chiffres de prévisions de croissance ont été relevés à la hausse en moyenne d'un quart de point par rapport au scénario présenté en avril 2006.

Globalement, le produit intérieur brut devrait progresser en moyenne dans le monde de 5,1% en 2006 et de 4,9% en 2007. Ces chiffres intervenant après les excellents résultats de 2004 et 2005, jamais l'économie mondiale n'aura connu une telle croissance continue et aussi forte depuis le début des années 1970, avant même la crise de l'énergie. Il faut distinguer ensuite suivant les pays, car les résultats sont assez diversifiés d'une région à l'autre du monde.

Sans aucune ambiguïté, la dernière place revient à la zone euro, avec 2,4% de croissance du PIB en 2006 et 2,0% en 2007. La France serait à 2,4% et 2,3%, dans la moyenne de la vieille Europe, et l'Allemagne à 2,0% et surtout 1,3% l'an prochain, payant ainsi son erreur de politique économique consistant à augmenter les impôts (TVA de 16 à 19%). Les États-Unis, après deux excellentes années (ce qui les différencie de l'Europe, alors en quasi-récession), connaîtraient un ralentissement, avec 3,4% et 2,9%, restant toutefois un point au dessus de la zone euro. Le Japon pour sa part en a fini avec sa récession et se situe à 2,7% et 2,1%.

Excellents résultats des économies en développement

Résultats bien meilleurs dans les économies en développement et les économies émergentes en général, avec 7,3% en 2006 et 7,2% en 2007. C'est en particulier un nouvel espoir pour le tiers-monde. Le tiers-monde n'est plus un tiers-monde homogène et connaît ici ou là un vrai processus de croissance. Même l'Afrique, que l'on croyait totalement sinistrée, est à 5,4% cette année et même 5,9% l'an prochain. Bien sûr, il y a des exceptions, comme un recul du PIB de 5,1% au Zimbabwe, comme par hasard un régime totalitaire socialiste.

Inutile d'insister sur les excellents résultats des pays de l'Asie en développement : 8,7% et 8,6%, avec en particulier 10% en Chine en 2006 comme en 2007 et 8,3% et 7,3% en Inde. Même l'Amérique latine se porte assez bien, sans plus, avec 4,8% et 4,2%, et même 8% en Argentine (mais 3,6% et 4% au Brésil). Certains pays d'Amérique latine paient leurs aventures politiques et la croissance y est quand même en moyenne plus faible qu'ailleurs.

Notons aussi les excellents résultats de l'Europe centrale et orientale (5,3% et 5,0%) — (et 8,6% dans les Pays Baltes) —, de la Russie (5,5% et 6,5%) sans parler de certaines républiques de l'ex-URSS comme l'Azerbaïdjan (+25,6%), aidées par le prix de l'énergie il est vrai. Pour les mêmes raisons, le Moyen-Orient s'en sort bien (5,8% et 5,4%).

Au total, en moyenne, nous avons les meilleurs résultats depuis 35 ans, avec un essoufflement évident dans les pays les plus riches et surtout dans la vieille Europe, celle de la zone euro et du couple franco-allemand.

La croissance menacée par la politique

Pour autant, l'économiste en chef du FMI ne cache pas ses inquiétudes. Cette croissance n'est pas sans risques et pourrait être remise en cause par certains facteurs inquiétants. Le FMI s'inquiète d'abord des risques inflationnistes. Certes, la mondialisation favorise la stabilité des prix. Mais le monde est toujours à la merci d‘un dérapage monétaire de la part des banques centrales et certaines d'entre elles font preuve d'une vigilance insuffisante ou ne surveillent pas assez leur masse monétaire. Contrairement à une idée keynésienne, l'inflation est l'ennemie de la croissance et il faut donc que les banques centrales restent vigilantes.

On peut aussi s'inquiéter de la hausse du prix du pétrole, non que ce soit en soi un problème, mais parce que cette hausse vient largement de facteurs politiques (monopole de l'OPEP, tensions militaires et terrorisme) et que l'économie ne fait jamais bon ménage avec la politique, surtout lorsque celle-ci cherche à manipuler les prix. Autre inquiétude du FMI, les déséquilibres commerciaux (par exemple entre les États-Unis et la Chine). Ici, nous ne partageons pas cette inquiétude (on sait depuis Bastiat que ces déséquilibres n'ont guère d'importance), mais le FMI a raison quand il regrette l'absence de régulateurs de marché : c'est ainsi qu'il trouve à juste titre que certains taux de change ne sont pas suffisamment flexibles, par exemple en Asie (changes quasi-fixes), provoquant des déséquilibres artificiels.

Le FMI voit aussi une autre menace à l'horizon, ce sont les risques de protectionnisme, qui viendraient remettre en cause toutes les perspectives de croissance. Or l'OMC se trouve dans de grandes difficultés avec le cycle de Doha et les tentations protectionnistes que l'on trouve ici ou là sont une vraie menace.

Le FMI s'inquiète aussi des politiques économiques inopportunes et ne se prive pas de signaler que la hausse de la TVA en Allemagne va briser toute reprise et entraîner le pays vers le bas. D'une manière plus générale, il est intéressant de voir que les principaux risques qui pèsent sur la croissance, selon le FMI, sont des risques liés à la politique (même si le FMI ne le dit pas de cette façon, pour ne pas heurter les gouvernements) : erreurs des banques centrales, prix politiques du pétrole, protectionnisme, hausse d'impôts, changes fixes,...C'est la liberté économique et en particulier celle du commerce qui provoque la croissance actuelle et c'est la politique qui risque de la remettre en cause. Comme toujours.

*Professeur à l‘université Paul-Cézanne (Aix-Marseille III), président de l'Association des Economistes catholiques.

Pour en savoir plus :

■ Perspectives de l'économie mondiale, (FMI, septembre 2006)

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