À l'issue de six mois de crise avec les différentes affaires de pédophilie qui ont déstabilisé et éprouvé à juste titre les catholiques et la hiérarchie ecclésiale, les décisions que vient de prendre Benoît XVI à propos du gouvernement et de l'orientation pastorale de l'Église universelle sont lourdes de sens.

Il y a tout d'abord la création du Conseil pontifical pour la Nouvelle Évangélisation : dans cette institution bi-millénaire qu'est l'Église, il est fort rare que de nouveaux "ministères" soient créés au Vatican. Lorsque c'est le cas, il ne s'agit pas de répondre à une mode, mais d'illustrer un aspect particulier auquel le pape attache une importance centrale et durable dans le cadre de la mission apostolique universelle qui lui est assignée.
Il y a ensuite la nomination du cardinal Ouellet préfet de la Congrégation des évêques : pour que la mission de l'Église porte des fruits de conversion et de croissance de la foi dans le monde contemporain, l'archevêque de Québec est apparu depuis longtemps comme un des cardinaux les plus convaincus au monde de toute l'importance et de l'urgence de la nouvelle évangélisation. Mgr Ouellet en a fait l'axe pastoral majeur de son diocèse pendant de nombreuses années. La charge qui lui est confiée désormais à Rome, à l'instant même où ce nouveau Conseil est créé ne semble en rien fortuite, car leur conjonction illustre un axe et une orientation majeure de Benoît XVI.
Désormais, les nominations à venir des évêques intégreront sans aucun doute la vision et la mise en œuvre de la Nouvelle Évangélisation dans la conduite pastorale des diocèses et des Églises locales. Les "candidats" aux charges apostoliques seront donc également jugés au regard de leurs expériences et de leur motivation en la matière. Il sera donc très intéressant de suivre les nominations épiscopales dans les mois et les années à venir, particulièrement en France et en Europe qui sont prioritairement concernés par cette orientation missionnaire. Même si certaines nominations récentes ont marqué une évolution notable par rapport aux années 70-80, on risque de changer beaucoup plus franchement d'époque avec la nouvelle génération qui se prépare

Un renouvellement nécessaire
À l'occasion des affaires qui ont marqué ces derniers mois la vie de l'Église, qui ont fait la une des médias internationaux et terni son image dans le monde, Benoît XVI a insisté à plusieurs occasions depuis de début de l'année 2010 sur l'indispensable conversion de l'Église et de ses pasteurs, et sur le renouvellement désormais urgent d'un certain nombre de responsables pastoraux pour résoudre en profondeur la crise actuelle, mais également solder les précédentes : la mission apostolique de l'Église paye encore lourdement certaines "factures" liées à ces crises qui minent son autorité et son rayonnement. Benoît XVI a été très clair à plusieurs reprises ces derniers mois en soulignant avec force combien l'Église ne redoute véritablement que les attaques et la déstabilisation de l'intérieur qui minent son unité, son témoignage et sa mission universelle.
Le pape reconnaît clairement les errances, voire les erreurs relevées dans le discernement de certains candidats au sacerdoce ou à l'épiscopat ces dernières décennies : ces erreurs selon lui trouvent leurs origines dans différentes dérives théologiques, ecclésiologiques et spirituelles qui ont alimenté à la fois nombre de dérives pastorales, mais aussi le sécularisme galopant de nombre de baptisés ou d'institutions ecclésiales comme des universités, des mouvements caritatifs, certaines congrégations religieuses (le cardinal Joseph Ratzinger a longuement traité ces différentes thématiques dans différents ouvrages depuis les années quatre-vingt).
Il est donc temps pour Benoît XVI de procéder très concrètement à ce renouvellement, et le cardinal Ouellet à son nouveau poste va en devenir la pièce maîtresse et déterminante.

Il est nécessaire de bien prendre conscience que la création de ce Conseil et la nomination du nouveau préfet de la Congrégation pour les évêques sont parmi les quelques décisions les plus importantes prises au Vatican depuis l'élection du cardinal Ratzinger au siège de Pierre voici cinq ans : c'est à Saint-Paul-hors-les-Murs et en la fête des apôtres Pierre et Paul qu'ont été annoncées ces décisions, ce qui ne fait qu'en renforcer toute la symbolique catholique, missionnaire et ecclésiale.
S'attaquer aux racines du mal
Ainsi, à l'issue de ces six mois de crise qui ont secoué fortement l'Église, la mise en œuvre désormais officielle et institutionnelle de la Nouvelle évangélisation n'est en rien un hasard, mais apparaît au contraire comme une réponse majeure, toute en finesse et profondeur, que Benoît VI entend apporter à ces crises : s'attaquer aux vraies racines du mal, très souvent liées de manière directe ou indirecte à des interprétation farfelues ou idéologiques du concile Vatican II chez certains pasteurs ou intellectuels (vaste sujet également cher au pape-théologien), et qui ont conduit notamment à un laxisme dans le discernement et la formation de certains candidats au sacerdoce [1], et leur suivi après leurs ordinations

Il est bon que l'Esprit-Saint ait conduit à la tête de l'Église des pasteurs — Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI qui soient réellement visionnaires et qui prennent des décisions à cent lieues des annonces poudre-aux-yeux qu'attendent les médias, mais qui s'attaquent au contraire aux causes profondes des maux qui minent l'Église depuis tant d'années.
Le zèle missionnaire et l'énergie évangélisatrice sont aux yeux de nos papes la fine mesure de l'orthodoxie et de la vitalité de la foi chez les baptisés, les pasteurs et chez toute communauté ecclésiale, comme l'illustre les paroles clairvoyantes et exigeantes de Jean-Paul II :

La mission est le signe le plus clair de la maturité de la foi car elle témoigne d'une conversion radicale de son état d'esprit [tant] au niveau des personnes que des communautés [...]. C'est en devenant missionnaire que la communauté chrétienne pourra dépasser ses divisions et ses tensions internes et retrouver son unité et la vigueur de sa foi [...] C'est à la lumière de cet impératif missionnaire qu'on devra apprécier la valeur des organismes, des mouvements, des paroisses et des œuvres apostoliques de l'Église. (La Mission du Christ rédempteur, n. 48.)

Telle est la grille de discernement pastoral et spirituel dont se dote l'Église en ce début du XXIe siècle, et c'est là une cure d'assainissement fort salutaire.

Pour ce faire, et avec la grâce de Dieu, il y a beaucoup de travail en perspective, beaucoup d'efforts sans doute à produire en terme de patience, de pédagogie et de créativité pour que la Nouvelle Évangélisation se mette en œuvre progressivement et de manière de plus en plus généralisée dans les paroisses, les diocèses, les mouvements.... : s'il a fallu une génération pour inscrire cette dynamique missionnaire comme priorité ecclésiale, nous nous accordons avec d'autres qu'il faudra sans doute une ou deux générations supplémentaires pour que la Nouvelle Évangélisation se généralise dans les mentalités et les faits !
Mais, d'ores et déjà, à n'en point douter, les décisions de ce mois de juin 2010 sont sources d'une grande action de grâce pour tous ceux qui ont tenté de répondre (dans le désert ou la critique bien souvent....) à cet appel de Paul VI puis de Jean-Paul II depuis les années quatre-vingt ; elles sont surtout source d'une grande espérance afin que l'Évangile soit à l'avenir bien plus explicitement annoncé à temps et contretemps à nos contemporains, sous des formes très diversifiées, adaptées et nouvelles.

[1] Ceci est vrai dans différents courants, communautés ou sensibilités religieuses : prêtres religieux et diocésains, traditionalistes, charismatiques ou progressistes.
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