Cécile Duflot

Il est parfois de bon ton de s’entendre dire du mal des marionnettes des Guignols de l’info sur Canal + comme si ce genre d’émissions contribuait à désacraliser à la fois la politique – le genre politique comme on dit – et le personnel politique. Cependant, et c’est peu dire, ce dernier y met souvent du sien et donne des verges pour se faire battre. On commence par s’étonner qu’après s’être regardé ainsi portraituré à l’écran, nos ‘‘victimes’’ ne s’efforcent pas de changer, de réformer non leur caractère, mais certaines de leurs caractéristiques. Or, force est de constater qu’avec constance, hommes et femmes politiques persistent dans leur manière d’être, persévèrent dans l’erreur ambulante que certains sont devenus. Mademoiselle Duflot est à cet égard emblématique. Elle s’acharne à coller à sa caricature qui, dès lors, n’en est plus une tant celle-ci s’avère son reflet très fidèle. 

Il y a quinze jours, l’adolescente bobo, insupportable tête à claques s’en est donnée à cœur joie pour notre grand ravissement. Lors de la séance de «Questions au gouvernement» à la Chambre, l’insignifiant Bernard Accoyer, qui, en l’occurrence, faisait le distinguo entre le ‘‘signifiant’’ et le ‘‘signifié’’ s’était pour une fois autorisé d’un juste langage en usant d’un «Madame le Député» pour poser sa question. Après (n’) y avoir (pas) répondu d’un ton pétaradant, la ci-devant Duflot a cru pouvoir reprendre le pauvre Bernard Accoyer en l’enjoignant de bien vouloir l’appeler «Madame la Ministre» la prochaine fois. On espère bien que, la prochaine fois, notre représentant de la Nation en armes (du bon français) n’en fera rien. Damoiselle Duflot, ne nous en étonnons pas, dans son ignorance vindicative contrevient à plusieurs règles :

  • depuis Richelieu, c’est l’Académie Française qui est nommément l’instance normative de la langue et non les desiderata de chacun, au gré de l’humeur ou de la mode ;
  • à la différence, par exemple, de la langue germanique, der, die, das… le Français ignore le neutre. On emploie à la place ce qu’on appelle le ‘‘neutre implicite’’, en l’espèce le masculin, mais un masculin, on l’a compris, qui ne renvoie pas spécifiquement au sexe de l’interlocuteur ;
  • en fait, au-delà de la personne, on s’adresse alors à la fonction dont est revêtue l’individu : si je dis Madame le Président à une dame présidant une juridiction, je fais avant tout référence à la fonction exercée par ledit individu. Au reste, c’est le Tribunal, la Cour, ou, encore, le Premier Président de la Cour (de Bécon-les-Bruyères ou Trifouillis-les-Oies, peu importe) qui rend sa décision, et non telle personne en particulier. D’ailleurs, la même juridiction, mais autrement composée, ou présidée endosse, fait sien l’ordonnance, le jugement ou l’arrêt précédemment rendus. Par ailleurs, lorsque paraît au Journal Officiel une loi nouvellement promulguée, c’est non seulement le ministre en exercice au moment de sa promulgation qui la signe, mais aussi, de droit, tous les ministres qui vont lui succéder. Ce, au nom, entre autres, du principe de la continuité de l’Etat. Si c’est seulement La ministre des couches-culottes, Michelle Dugenou qui vous signe une loi relative à ce domaine de compétences comme on dit, cela ne marche plus. Le ministre suivant, dont le sexe différerait, aurait beau jeu de vous dire, comme Fabius au sujet de Mitterrand : lui, c’est lui, moi, c’est moi. Non, lorsque une loi est promulguée, c’est impersonnellement le Ministre, c’est l’Etat tout entier qui la revendique, la fait sienne, l’inscrit dans le droit positif ;
  • damoiselle Duflot ne se rend même pas compte que c’est elle qui est en l’occurrence parfaitement ridicule en ajoutant à l’attention d’Accoyer : «et la prochaine fois, vous verrez, vous verrez comme si c’est agréable de se faire traiter de ‘‘Monsieur la Députée’’ quand on est un homme ! » Ce faisant, elle montre qu’elle n’a rien compris au film, comme disent les jeunes. Elle confirme par là surtout combien la question sexuelle l’obsède, combien toute sa personne est animée de rancœur, d’esprit revanchard. Mais revanche sur qui ? Ah oui, revanche de la femme sur l’homme.

Où l’on voit que le féminisme, même dans ce qu’il peut comporter de primaire, de viscéral et de grammatical, est capable de se trahir : en essentialisant contre son intention le genre féminin, en laissant découvrir que, quoiqu’il en dise, derrière ‘‘les’’ femmes demeure la femme éternelle.    

 

Photo : Wikimedia Commons / Marie-Lan Nguyen