La fin du petit Titouan et l’instrumentalisation de l'émotion

La surmédiatisation récente de l'histoire du petit garçon né prématurément, réanimé, sauvé par la médecine au CHU de Poitiers, puis finalement débranché jusque mort s'en suive, pose deux questions que nul ne peut éluder, au-delà de la souffrance légitime des parents : celle du respect de la loi Léonetti et celle du rôle complice joué par les médias dans l'instrumentalisation émotionnelle d'un « cas » posé à la médecine néonatale.

LA LOI LEONETTI s'applique à des situations de fin de vie, lorsqu'un patient est condamné à court terme et que les traitements ne pourront plus permettre de le sauver. Etait-ce le cas du petit Titouan ? Ce n'est pas certain.

La question qui s'est réellement posée pour Titouan n'était pas tant de savoir si le petit garçon parviendrait à vivre ou non, que de savoir quel serait son degré de handicap, et d'en tirer des conclusions sur l' « acceptabilité » de ce handicap. Car bien qu'étant dans une situation de grande fragilité, Titouan était en vie et si les soins avaient été maintenus, il le serait encore aujourd'hui, probablement, à moins que la nature elle-même n'en ait décidé autrement.

La médecine ne peut établir de pronostic certain, et surtout pas dans le domaine du handicap. C'est donc sur un diagnostic probable de handicap, et non sur la viabilité de l'enfant, que la question de l'arrêt des soins s'est posée.

Laisser mourir ou supprimer un fardeau

Cela soulève une question très grave. Car cet « arrêt des soins », n'avait pas pour objet de laisser mourir un patient qui de toute façon serait mort, mais à laisser mourir un enfant dont on estimait que sa vie serait un fardeau pour ses parents. Curieuse interprétation de la loi !

Il semble, dans l'affaire de Titouan, qu'un seuil ait été franchi. L'« arrêt des soins », justifié dans la loi Léonetti, lorsque l'acharnement thérapeutique ne permet plus d'espérer d'amélioration de l'état de santé du patient, et ce, alors que la personne est atteinte d'une maladie grave et incurable, s'est posé ici dans un tout autre contexte : un grand prématuré, réanimé et maintenu en vie, a finalement été « débranché » parce qu'on estimait que sa vie future n'aurait pas de sens, suite à des complications neurologiques.

S'agissait-il réellement d'un protocole de fin de vie tel que l'entend la loi Léonetti ? On peut se permettre d'en douter.

Dans le cas du petit Titouan, un jeu pervers d'alliance entre les médias et certains lobbies favorables à l'euthanasie, conjugué à l'instrumentalisation de la douleur des parents, ont finalement eu raison de la vie de cet enfant. Ceci est particulièrement révoltant.

Orchestration

Certains lobbies sont prompts à monter en épingle la souffrance de parents confrontés à des situations extrêmes, et ils utilisent ensuite cette souffrance comme porte-drapeau de leur idéologie. Ainsi ils sont passés maîtres dans l'instrumentalisation de cas individuels, pour demander ensuite une loi applicable sur l'euthanasie pour tous.

Ces procédés reposent toujours sur les mêmes ressorts. Rappelons-nous l'affaire Humbert. Mais ce qui inquiète aujourd'hui est la complicité avec laquelle les médias eux-mêmes participent à ces orchestrations, les alimentent, sans aucune pudeur, sans le moindre recul.

Si la médecine, commence à agir sous le diktat de l'émotion et la pression des médias, qui peut garantir l'impartialité de la médecine ? Personne. Il faut espérer que des voix s'élèvent pour dénoncer ces acharnements qui n'ont pour effet que d'aveugler l'opinion et bien souvent, de précipiter des décisions irréfléchies et irréparables.

 

Sabine Faivre est enseignante, psychologue. Auteur d'un mémoire de Master de recherche sur « La relation thérapeutique dans un service de soins palliatifs » (2004).

 

 

 

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