La droite a-t-elle bien défendu la liberté d’expression ?

[Source : Valeurs Actuelles]

Tribune. Le conseiller régional du Parti chrétien démocrate en Ile-de-France, Nicolas Tardy-Joubert, dénonce dans une tribune une mobilisation "insuffisante", de la droite tout spécialement, contre le délit d'entrave à l'IVG, "un sujet si important au regard de nos libertés publiques".

Nous avons observé ces derniers jours des retournements assez inattendus sur le délit d’entrave numérique pour l’avortement. A l’Assemblée Nationale, le 1er décembre, seuls 16 députés « Les Républicains » et 3 « non-inscrits » se sont opposés courageusement à ce texte liberticide. 183 députés LR étaient absents lors du vote. Au Sénat le 7 décembre, avec une majorité de droite, et malgré une mobilisation beaucoup plus forte des parlementaires, le texte proposé par la gauche a été adopté (173 voix pour et 126 contre). La raison ?  Trop d'absents, d'abstentions, de trahisons, et une alliance défectueuse avec l’UDI.

Quelles leçons faut-il en tirer ? La droite humaniste et conservatrice fait-elle le lit de la gauche libérale et libertaire ? Chacun qualifie l’avortement de drame, et Simone Veil elle-même, disait qu’il fallait tout faire pour l’éviter. L’information gouvernementale est déséquilibrée et nie beaucoup d’évidences. Le « délit d’entrave numérique » ne vise qu’à museler les opposants au tout IVG. La France, pourtant, ne peut se satisfaire d’enregistrer sans sourciller un nombre deux fois plus élevé d’avortements, que ses voisins italiens et allemands.

Pourquoi alors nos politiques ne font- ils pas face comme ils le devraient? Il devient essentiel de mettre en place un grand plan de santé publique pour apporter l’éclairage nécessaire aux futurs parents (père et mère), et ne pas s’engouffrer dans le tout avortement. L’information sur la contraception doit aussi inclure le respect de la personne humaine ainsi qu’une réelle éducation affective et sexuelle. Paradoxalement plus la contraception est élevée, plus le nombre d'avortements croît.

La mobilisation à l’Assemblée Nationale a été notoirement insuffisante pour un sujet si important au regard de nos libertés publiques. François Fillon, vainqueur de la primaire, était lui même absent au moment du vote. Pourtant, une large partie de la droite humaniste et conservatrice qui s’est réveillée en 2012, lui a fait confiance le 27 novembre. Celle-ci attend une réponse forte pour la protection de la liberté d'expression, pour la protection du plus faible et pour faciliter l’accueil de la vie. Le résultat du vote au Sénat pose aussi la question de la qualité des investitures et des alliances qui doivent fonctionner sans coup faillir.  Nous savons que l’élection présidentielle sera difficile ; il ne faut pas décevoir les attentes d’une grande partie de ces électeurs qui espèrent un vrai changement, et qui s’ils sont déçus se réfugieront dans un nouveau vote contestataire ou ne se mobiliseront pas. Les signaux qu’ils perçoivent sont aujourd’hui trop faibles.

Bien sûr, ce texte sur le délit d’entrave peut être jugé inconstitutionnel ; il peut être aussi abrogé par une autre majorité volontariste, ce qu'il faut pouvoir obtenir. Mais il est grand temps de traiter en vérité et avec courage ces questions essentielles pour notre Nation, et d’organiser l’action politique en ce sens. Le drame que nous vivons est de voir les forces destructrices de notre civilisation proposer des textes, finalement acceptés et validés sous l’effet des coups de boutoir réguliers de la pensée libérale libertaire. Cela aura été le cas pour le « mariage pour tous », pour lequel la simple réécriture proposée est loin de tout résoudre. Aujourd’hui, la remise en cause de la liberté d’expression, à travers ce délit d’entrave, a insuffisamment mobilisé les parlementaires. De nombreux électeurs de droite attendent autre chose de leurs élus.