La crise de la représentation nationale

Le CEVIPOF, centre d’étude de la vie politique française de Sciences Po, vient de publier son baromètre annuel de la confiance politique.

Et, à cette occasion, ce baromètre existant depuis 2009, il a également publié une étude sur la décennie 2009-2019.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est catastrophique pour la caste politicienne.

Naturellement, nul besoin du CEVIPOF pour savoir que les Français se méfient de leurs gouvernants. Il suffit d’écouter les conversations au bistrot ou sur les ronds-points pour le savoir.

Mais le CEVIPOF a le grand mérite de donner une approche statistique du phénomène (et de le rendre perceptible aux dirigeants !).

Le fossé est profond entre le peuple et l’oligarchie. 79 % des Français expriment des sentiments négatifs à l’égard de la politique – alors même que la France a été longtemps la nation la plus politique du monde.

12 % seulement des Français disent éprouver de l’intérêt pour la politique. 6 % ont de l’espoir quand on leur parle de politique. 2 % éprouvent du respect pour les hommes politiques. 1 % de l’enthousiasme. Nous sommes loin des 39 % de méfiance ou des 29 % de dégoût !

C’est pire encore pour les politiciens eux-mêmes.

85 % des Français estiment que les politiciens ne se préoccupent pas d’eux et 74 % les tiennent pour « plutôt corrompus ». 61 % ne font confiance ni à la gauche, ni à la droite pour gouverner le pays.

Certes, on peut se rassurer en notant que 89 % des Français estiment que la démocratie est la meilleure façon de gouverner un pays. Hélas, cela ne veut rien dire. Il existe bien des sortes de démocratie, de la démocratie populaire à la démocratie représentative, en passant par la démocratie organique.

À laquelle sont attachés les Français ? Nous ne le saurons pas. Il est d’ailleurs remarquable que l’on refuse de poser la question depuis 1789 (car, malgré la propagande de l’Éducation nationale, il faudra bien, un jour, que les Français sachent qu’il existait une démocratie sous l’Ancien Régime qui a simplement été remplacée par une autre).

Le problème de fond vient de la notion de représentativité.

Se souvient-on encore que les élus aux états généraux avaient reçu un mandat impératif – les empêchant de parler d’autre chose que des cahiers de doléances de leur ordre et de leur province ?

C’est cette vieille crapule de Talleyrand qui, le 7 juillet 1789, fit adopter une motion supprimant le mandat impératif. Depuis ce jour, le peuple a été condamné au silence. Plus exactement, il n’a voix au chapitre que pour élire ses « représentants ». Passé ce moment, il doit retourner à sa léthargie.

Il est à peine besoin de noter qu’avec le mandat impératif, nous nous serions épargné la Terreur et les multiples invasions du sol français que nous avons subies depuis.

Notons, en passant, que l’extrême gauche, qui réclame aussi le mandat impératif (mais à la façon robespierriste où un « représentant » qui déplaisait aux sectaires était envoyé au « rasoir national »), applaudit à la mythologie du serment du jeu de paume, qui est précisément le moment où Talleyrand parvint à faire sauter le mandat impératif ! C’est dire la confiance que l’on peut avoir en un Mélenchon ou un Corbière.

De toute évidence, le légitime désir de réforme des Français de 1789 a été détourné, grâce à cette suppression du mandat impératif, par l’oligarchie financière. Aujourd’hui, le seul moyen d’en finir avec la tyrannie de cette oligarchie est de revenir sur cette suppression et d’interroger la démocratie « représentative ».