Les propagandistes de la Constitution européenne font valoir sans vergogne que voter non mettrait en danger la paix en Europe. Non seulement ce raisonnement est inacceptable mais il peut être aisément renversé.

On peut démontrer que la Constitution européenne n'est pas aussi pacifique qu'elle le prétend, au moins malgré elle.

1. La constitution préconise une augmentation des crédits militaires de tous les États membres. Quelque jugement que l'on porte, quant au fond, sur une telle orientation, on n'a jamais vu ce genre de sujet figurer dans aucune constitution.

2. Si l'Europe vit en paix depuis soixante ans, ce n'est pas grâce à la construction européenne. C'est au contraire la paix, due à la victoire des troupes alliées de 1945, qui a permis la construction européenne.

3. Sait-on que les " européistes " patentés, Jean Monnet en tête, tentèrent par aveuglement idéologique de saboter le traité de réconciliation franco-allemand de 1963, le plus grand acte de paix qui ait été posé en Europe depuis la guerre ?

4. La Politique étrangère et de sécurité (PESC) est désormais communautaire. Elle fait partie du domaine des compétences dites partagées entre l'Union et les États-membres ; mais dans ce domaine, il est écrit que le droit communautaire prévaut (article I-12-2). Autant dire que ce prétendu partage est fictif. Un État pourrait ainsi se trouver embarqué malgré lui dans une politique agressive vis-à-vis de certains pays tiers sans pouvoir s'y opposer.

5. Il est prévu que cette politique étrangère et de sécurité commune "demeure conforme aux engagements souscrits au sein de l'OTAN" (article I-41-7). Connaissant le poids prépondérant des États-Unis dans l'OTAN, c'est à une véritable inféodation qu'on a affaire. Or on connaît les projets belliqueux de l'équipe Bush (à l'égard de l'Iran ou de la Syrie par exemple). Certains pays européens se sont déjà associés à la guerre d'Irak. Combien s'associeront à la prochaine ?

6. Qui doute que si la Constitution est ratifiée, on pourra empêcher dans quelques années l'entrée de la Turquie dans l'Union ? Si les Français ne disent pas non cette fois, la "machine" sera convaincue que l'on peut faire avaler n'importe quelle couleuvre aux peuples. L'Union européenne aura alors une frontière commune avec l'Irak et les zones les plus dangereuses de la planète.

7. L'exemple de la guerre de Yougoslavie (1999) montre comment une sorte de frénésie collective peut saisir un ensemble d'Etats liés par des "valeurs communes", bien plus facilement qu'un seul État soucieux de ses intérêts. Un troupeau de moutons s'emballe plus facilement qu'un mouton isolé. La situation actuelle au Kosovo démontre le caractère néfaste de telles guerres " humanitaires ". Si le principal ciment des États de l'Union, ce sont des idéaux et non point des intérêts, l'esprit de croisade et l'aveuglement qui l'accompagne généralement ne sont pas loin. Qui sera dès lors la prochaine cible ? Après la Serbie, on a vu l'Europe se mêler de démocratiser l'Ukraine, la Georgie, demain la Biélorussie, après-demain, pourquoi pas la Russie ? Mais celle-ci a des armes nucléaires, ne risque-t-on pas de l'oublier ?

8. Il est à craindre que l'Union européenne se lance un jour dans quelque guerre pour se montrer à elle-même qu'elle existe. Ce fut le cas de l'Allemagne de Bismarck, qui déclencha pour parachever son unité la guerre de 1870, cause lointaine de tous les malheurs du XXe siècle.

9. Toute la construction européenne est partie de l'idée que la cause des catastrophes du siècle, à commencer par le national-socialisme et la Shoah résidaient dans le nationalisme (et tout ce qui est supposé aller avec lui , le protectionnisme commercial notamment). C'est une idée fausse. Ce ne sont pas les nations qui sont fauteurs de guerre mais, comme l'a dit à plusieurs reprises le pape Jean Paul II, la "violation du droit des nations". Le nazisme, comme le communisme furent des idéologies universalistes, porteuses de l'idée d'un Empire européen voir universel : c'est là qu'est le danger. À un degré moindre – pour le moment - l'Europe supranationale n'est-elle pas, elle aussi, sous-tendue par une idéologie universaliste ?

10. On ne saurait sous-estimer la force de l'idée nationale. Quand on voit la violence qui s'attache au nationalisme basque ou corse (dont le seul défaut est d'être minoritaire), qui peut douter que si l'idée européenne est réalisée sous la forme d'un État unique, imposé aux peuples par une altération de la démocratie se traduisant par une propagande officielle outrageusement inégalitaire, les nationalismes français, allemand ou italien ne se réveilleront pas, le cas échéant dans la violence ? L'exemple de la Yougoslavie montre que rien n'est plus dangereux pour la paix qu'une fédération artificielle.

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