L'invraisemblable candidature d'une Rwandaise à la tête de la Francophonie

Source [Roland Hureaux] Ce n’est difficile à croire que pour ceux qui pensent  encore vivre dans un mode normal : non seulement Louise Mushikiwabo, ministre des affaires étrangères du Rwanda, s’est portée candidate au poste de secrétaire générale de l’Organisation   internationale de la  francophonie qui est à renouveler à la fin de l ’année, mais elle bénéficierait, selon les meilleures sources, du  soutien d’Emmanuel Macron.

Ce n’est difficile à croire que pour ceux qui pensent  encore vivre dans un mode normal : non seulement Louise Mushikiwabo, ministre des affaires étrangères du Rwanda, s’est portée candidate au poste de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie qui est à renouveler à la fin de l ’année, mais elle bénéficierait, selon les meilleures sources, du soutien d’Emmanuel Macron.

Difficile à croire car la Rwanda a  remplacé en 2008  l’enseignement du  français par celui de  l’anglais à l’école primaire.  Nouvelle langue officielle, l’anglais est encouragé. A tous les niveaux, l’usage du français qui avait  été implanté  par le colonisateur belge est découragé. S’il n’a pas formellement quitté l’Organisation internationale de la francophonie, ce pays a néanmoins rejoint le Commonwealth.

Difficile à croire parce que cette femme est, sur la scène internationale, le bras droit de Paul Kagame, qui ne cesse depuis son arrivée au pouvoir il y a 24 ans de cracher sur la France, accusant en particulier, de manière tout à fait fallacieuse, l’armée française d’avoir une responsabilité dans le génocide de 1994.

Comment s’étonner de cette hostilité ? Kagame a pris le  pouvoir après avoir envahi le pays  à partir de l ’Ouganda , à la tête d’une milice d’exilés, avec le soutien des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la Belgique,  d’Israël et de l’Afrique du Sud ; cette invasion a eu pour effet de renverser le gouvernement de Juvénal Habyarimana, protégé par les Français[1] . Kagame  s’appuyait sur la minorité tutsi ( 8 % de la population à l’indépendance, 2 ou 3 % aujourd’hui), Habyarimana sur la majorité houtou ( 92 % ). Mais le but de l’ opération était d’ écarter la France de l’ Afrique des Grands Lacs et d’ouvrir la voie à l’exploitation des ressources non seulement du Rwanda – peu doté - mais de  l’immense Congo -Kinshasa, très  riche en matières premières  et qui est aujourd’hui sous  la tutelle de fait de Kagame – et de ses mentors.

Candidature difficile à croire surtout parce que  la responsabilité du  génocide évoqué, indirecte ou directe, est de  plus en plus largement imputée  à Kagame lui-même. Si l’on ajoute les morts du Rwanda (entre 600 000 et 1 million) et ceux du Congo-Kinshasa (entre 4 et  5 millions) on arrive  au quatrième  rang des horreurs du XXe siècle, après  celles de Mao, Lénine/Staline et Hitler,  avant Pol Pot. Les partisans de Kagame diront que son entrée  sur le territoire du Rwanda a  sauvé  la vie de nombreux  Tutsis, mais c ’est bien son invasion  qui  avait provoqué    leur massacre,  l’avancée des Tutsis exilés de Kagame se traduisant par le massacre des Houtous majoritaires  qui , affolés, se vengèrent sur les Tutsis demeurés dans le pays. Le fait déclencheur fut  l’attentat du   6 avril 1994 contre  l’avion qui transportait ensemble les   présidents élus du  Rwanda et  du Bouroundi  ( houtous) :  peu aujourd’hui doutent , au vu du   du témoignage de ses    proches d’alors ( au moins ceux qui n’ont pas été liquidés) que l’actuel président  en porte la responsabilité.  Après sa prise de pouvoir, les milices  de Kagame ont ensuite poursuivi sur le territoire  du  Congo les Houtous en fuite ,  auteurs supposés du massacre des Tutsis , y compris les femmes et les enfants qui n’étaient pas encore  nés au moment des faits ; de nombreux Congolais ayant aussi péri, le nombre de victimes s’est multiplié par quatre ou cinq. Les massacres continuent aujourd’hui dans la province du Kasaï . Deux rapports du Haut-Commissariat aux refugiés ont décrit ces horreurs :  le premier a totalement disparu des archives  des Nations-Unies. Quoique soutenu par le monde dit libre, le régime ultra-minoritaire de Kagame n’a pas grand-chose  à envier à  celui de la Corée du Nord. En tout état de cause, être l’adjointe  de Kagame n’est sûrement  pas   une référence.

La candidature évoquée pose au moins deux questions : comment a-t-on pu , au Rwanda ou ailleurs,  osé présenter une telle candidature au nez et à la barbe de la France et des nombreux pays francophones qui savent à quoi s’en tenir sur le régime de Kagame ?   Certains  osent tout, dit-on, mais ils ne sont pas  nécessairement aussi stupides que l’imaginait Michel Audiard[2]. Nous sommes en tous les cas dans un monde où  l’absurde n’est plus invraisemblable.

Quelle idée se fait-on de la France, à  quel niveau d’abaissement, se figure-t-on qu’elle est parvenue pour penser qu’une telle OPA est possible et pour avoir sérieusement le culot  de solliciter  son appui dans une opération évidemment dirigée contre elle.

Dernière question : à quel niveau d’indifférence (voire d’hostilité) aux intérêts de la France sont parvenus  les gens qui nous gouvernent pour que le soutien du gouvernement français à Mme Mushikiwabo soit envisageable ? Dans un tel oubli du passé et de mépris de nos intérêts,  quelle est  la part de l’ignorance, de la trahison et de la  bassesse ?

 

[1] On peut seulement reprocher à la France de n’avoir pas soutenu Habyarimana  jusqu’au bout à la suite des accords d’Arusha (1993) ordonnant la non-intervention des puissances étrangères que seule la France a respecté. .

[2] « Les cons , ça ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnaît. » ( Michel Audiard)