LP.com – Le ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, a évoqué à plusieurs reprises son projet d'autonomie des universités, une perspective souhaitée par beaucoup, mais redoutée par d'autres. Davantage de liberté dans l'université, n'est-ce pas plutôt une bonne nouvelle ?

H.

-M. HOUARD. — Il faudrait d'abord savoir de quelle autonomie il s'agit. Sur la chaîne parlementaire Public Sénat, le 4 décembre dernier, le ministre laissait entendre qu'il s'agit principalement d'une autonomie de gestion aux mains d'un conseil d'administration restreint mais ouvert , d'un président stratège et d'un directeur général, véritable animateur de l'établissement (choisi par qui ? on ne sait pas).

Il n'est pas question de sélection à l'entrée : la porte reste ouverte à tous les bacheliers, appelés toutefois à la prudence par un bureau d'orientation. Les droits d'inscription et les dotations budgétaires sont fixés par l'État ; et surtout les diplômes restent des diplômes nationaux et sanctionnent des études dont contenu et horaires sont fixés à Paris par un de ces comités de spécialistes dont on connaît les effets. Au passage, je rappelle que le baccalauréat dont on paraît contester la valeur, est un diplôme national...

Malgré la timidité du projet, une telle ouverture n'est-elle pas un progrès ?

Le cadre présenté par Mme Pécresse laisse peu de place à l'autonomie véritable et donc à l'inventivité qui pourrait rajeunir le système. Peut-être convient-il aux établissements publics ? C'est leur affaire. Encore que ce soit surtout l'affaire de la France de demain et des contribuables d'aujourd'hui. Mais les établissements privés ? On peut d'autant plus s'inquiéter du sort qui leur est réservé qu'on n'en parle pas. Or ce serait un comble, avouons-le, de voir brimer la liberté des uns à l'occasion de l'autonomie des autres.

En quoi l'autonomie des universités publiques constitue-t-elle une menace ?

Aujourd'hui, la liberté des établissements supérieurs libres n'est pas très large, du moins est-elle garantie par l'État, réputé impartial : les étudiants du privé peuvent prétendre à des diplômes nationaux devant des jurys indépendants des établissements publics. Ils sont interrogés sur des programmes arrêtés dans les mêmes conditions que ceux de leurs camarades du public. Que l'État délègue ses pouvoirs à ses universités autonomes, c'est évidemment une menace. Comme la liberté de la presse, la liberté d'enseignement est à la base de la démocratie. On voit mal un journal local obligé de passer une convention avec Le Monde pour continuer à paraître.

Avouons que ce serait dommage. Car s'il est souvent privé de ressources, l'enseignement libre n'est pas privé d'imagination. Pour ne parler que d'une ville, la somme des innovations privées à Angers est impressionnante. Qu'on en juge.

Dès la promulgation de la loi qui l'autorise, en 1875, est créée la faculté de droit, bientôt suivie des facultés de lettres, de sciences, et de théologie. En 1898, apparaît l'école supérieure d'agriculture et de viticulture, et bientôt l'école de commerce, l'école normale sociale, l'école d'éducateurs, l'école technique supérieure de chimie, l'école supérieure d'électronique. En 1966, le centre international d'études françaises. En 1970, les premières filières professionnalisées : institut de formation de professeurs, institut de perfectionnement en langues vivantes, institut de psychologie, institut de mathématiques appliquées suivi de l'Année de recyclage scientifique, institut de formation en éducation physique et sportive. En 1984, l'Institut de relations publiques et de communication, et après les sessions de préparation à l'enseignement supérieur, l'Institut Albert le grand pour la formation humaniste souhaitée par la ministre et tout récemment la Formation management du développement.

Évidemment il n'y a pas qu'Angers et il n'y a pas que le privé qui innove. Mais le bilan paraît tout de même assez spectaculaire pour qu'au moment où l'on cherche, enfin, à sortir du marasme de l'université française, on reconnaisse et on favorise une liberté qui a fait ses preuves et qui pourrait encore en donner d'autres.

*L'abbé Hyacinthe-Marie Houard est ancien secrétaire général de l'Université catholique de l'Ouest, fondateur de l'IRCOM et des instituts associés.

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