Dans un article précédent ("Faut-il recoloniser l'Afrique ?", Décryptage, 9 septembre*) notre correspondant annonçait la création en République démocratique du Congo d'une "commission mixte de bonne gouvernance" sous la tutelle de la MONUC (Mission de l'Organisation des Nations-unies au Congo) et du CIAT (Comité international d'appui à la transition, regroupant les ambassadeurs des pays s'impliquant dans la pacification du pays).

La situation politique de la RD Congo est rien moins qu'originale : pour sortir de la guerre menée par des rebellions soutenues de l'étranger contre le pouvoir de Kinshasa, on a imaginé un exécutif composé d'un président, Joseph Kabila, fils du tombeur de Mobutu, arrivé au pouvoir à la suite de l'assassinat de son père, et de quatre-vice présidents représentant les deux rebellions armées, la "société civile" et le pouvoir kinois. Deux assemblées comptent environ 600 parlementaires, nommés par chacune des "composantes" du pouvoir. Les ministères sont partagés entre ces composantes et chaque ministre est flanqué d'un vice-ministre d'une composante différente. Ce curieux char de l'État est censé mener le pays pendant une période de "transition" aboutissant à des élections "démocratiques, libres et transparentes".

La MONUC, forte de 15.000 personnes dont plus de la moitié sont des militaires, est chargée d'empêcher la reprise des affrontements armés entre les diverses factions et de neutraliser les milices qui continuent à sévir, particulièrement à l'Est du pays, à proximité des frontières rwandaise et ougandaise. La transition a commencé en 2003 et aurait dû cesser au 30 juin dernier avec les élections. Comme on en est encore au recensement des électeurs, la transition a été prolongée d'un an.

Le peuple congolais, lassé des violences de la guerre, subit la situation dans l'espoir d'un apaisement définitif mais doute de plus en plus de la volonté d'aboutir de ses dirigeants. L'économie est exsangue et seule l'aide internationale permet aux grandes villes de ne pas sombrer dans la famine. La moitié du budget de l'État est fournie par l'extérieur et les scandales financiers s'étalent sur la place publique. C'est la raison pour laquelle le CIAT a "proposé" la constitution de cette commission mixte regroupant l'exécutif, la MONUC et des représentants du CIAT. Les termes de référence de cette nouvelle structure sont clairs : le contrôle des finances publiques.

"La mise en place de la fameuse commission pour la bonne gouvernance marque une nouvelle étape dans ce que d'aucuns qualifient d'assujettissement de la RDC", remarque La Référence plus du 23 septembre. Et le journal s'interroge : "Des partenaires bilatéraux ou multilatéraux peuvent-ils laisser la situation se détériorer davantage alors qu'ils y injectent des centaines de millions de dollars depuis plus de deux ans après avoir soutenu à bout de bras le dialogue intercongolais ?" Un autre journal, le Phare, observe : "Qu'il est incongru de soulever la question d'une dignité et d'une souveraineté déjà jetées par-dessus le bord grâce au génie aventuriste des Congolais. Par ailleurs, il va de soi", conclut le Phare, "que la souveraineté ne devrait pas constituer l'ultime bannière sous laquelle se réfugierait la délinquance financière pour justifier le rejet de la commission de bonne gouvernance."

L'un des pères de la Fondation de service politique, l'ambassadeur Gilbert Pérol, proposait pour épargner aux populations africaines les tristes conséquences de la mauvaise gestion de leurs dirigeants, le retour au système des mandats. Le processus est en route...

J. F.

* Faut-il recoloniser l'Afrique ?

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