L'Académie nationale de médecine a adopté le 26 janvier dernier un rapport qui recommande de développer la recherche sur les cellules souches mésenchymateuses du cordon et du placenta, une catégorie de cellules souches qui pourrait jouer un rôle de premier plan en médecine régénérative dans les années à venir [1]. Présentation.

Le sang de cordon, riche en cellules souches hématopoïétiques [2], a définitivement montré son efficacité dans le traitement de nombreuses maladies hématologiques. La proposition de loi déposée au Sénat le 19 février par Marie-Thérèse Hermange s'appuie d'ailleurs sur ce fait bien établi pour conférer au sang de cordon le statut de ressource thérapeutique comme c'est le cas pour la moelle osseuse [3]. Mettant en avant la pratique de collecte et de stockage de notre pays dont l'excellence est internationalement reconnue , la sénatrice de Paris veut faire de la conservation du sang placentaire et de la mise à disposition anonyme et gratuite des greffons pour tous un enjeu de santé publique incontournable. L'Agence d'information Genethique a livré en exclusivité les détails de ce texte crucial dans sa revue électronique du 1er mars 2010.
Mais à côté des cellules hématopoïétiques de sang de cordon dont les propriétés sont désormais reconnues par tous, l'Académie nationale de médecine vient de consacrer tout un rapport à un autre type de cellules souches dont la connaissance peu médiatisée demeurait confinée à la communauté scientifique : les cellules souches mésenchymateuses (CSM) de cordon et de placenta.
Des résultats stupéfiants
Décrites jusqu'ici dans la moelle osseuse ou le tissu graisseux, de nombreuses études à travers le monde avaient déjà mis en évidence la plasticité très intéressante de ces cellules. Un des espoirs que caressaient de nombreux scientifiques était de pouvoir les isoler en grand nombre dans le sang du cordon. Malheureusement, le professeur Jean-Jacques Lataillade, un des meilleurs spécialistes français de la question, a reconnu lors de son audition à l'Académie qu'il ne les détectait que dans un échantillon de sang placentaire sur trois. Leur rareté est en outre incompatible avec un usage courant en thérapie cellulaire.
Le groupe de travail de l'Académie nationale de médecine n'en est cependant pas resté à ce constat décevant en invitant dans ses locaux un scientifique chinois renommé pour ses travaux sur les CSM. Partant des mêmes observations que Jean-Jacques Lataillade, le professeur Zhong-Chao Han de l'Université de Tianjin a abandonné ses recherches sur le sang de cordon pour se tourner vers le cordon lui-même ainsi que le placenta.
Or ses résultats sont tout bonnement stupéfiants [4]. Toutes ses études montrent que le cordon et les annexes placentaires génèrent des quantités très importantes de CSM. Il a également fait part aux académiciens d'une propriété exceptionnelle de ces entités cellulaires : elles n'expriment pas en surface les molécules HLA [5] si bien que n'importe quelle unité de cellules souches mésenchymateuses peut être greffée à n'importe quel patient sans que la greffe ne soit rejetée. Parvenu à produire des cellules de gradient clinique, il a déjà traité une centaine de malades avec CSM de cordon tout en montrant qu'un seul cordon génère à lui seul 100 doses thérapeutiques, un rendement phénoménal qui a frappé les esprits.
Chez n'importe quel patient
Le champ médical dans lequel ces cellules sont indiquées est lui aussi impressionnant. L'Académie confirme que plusieurs études internationales ont prouvé leurs capacités en médecine régénérative à la fois dans les modèles animaux et dans des essais cliniques chez l'homme. De fait, elles commencent à être utilisées dans la réparation des os, du cartilage [6] ou du système vasculaire, la réparation du tissu cardiaque après infarctus [7], la reconstitution de la peau après brûlure thermique ou radio-induite. De par leurs propriétés immunorégulatrices, le professeur Han estime qu'elles seront un apport précieux dans les réactions de greffon contre l'hôte et le traitement des maladies inflammatoires en général. Ce sont des dizaines de millions de malades qui sont concernés par les propriétés pluripotentes de ces cellules.
D'après l'Académie, il existerait à l'heure actuelle pas moins d'une centaine d'essais thérapeutiques à travers la planète avec cette nouvelle classe de cellules souches. Un chiffre à comparer avec les cellules issues de la destruction d'embryons, toujours au point mort en ce qui concerne une improbable application thérapeutique chez l'homme. Mauvaise tolérance immunologique, développement de tumeurs, anomalies des chromosomes,... autant de points qui font dire à Jean Leonetti que les retombées pour la thérapie cellulaire des recherches sur les cellules souches embryonnaires n'ont finalement pas été à la hauteur des espoirs formés à l'époque [8] . On ne comprend donc toujours pas pourquoi l'assouplissement de la recherche sur l'embryon qu'il préconise dans son rapport heurte de façon si contradictoire ses propres conclusions !
L'Académie l'affirme clairement : les travaux du professeur Han, confirmés depuis par d'autres équipes [9], ouvre des perspectives remarquables, chaque unité de thérapie cellulaire produite pouvant être utilisée chez n'importe quel patient . Elle demande instamment que la France promeuve la recherche sur les cellules souches mésenchymateuses du cordon et du placenta en créant des centres de ressources biologiques spécifiquement dédiés à cette mission. Marie-Thérèse Hermange a déjà pris en compte les recommandations de l'Académie en rappelant à ses collègues parlementaires qu'il s'agit ni plus ni moins d'un intérêt stratégique majeur pour permettre à la recherche française de se maintenir au plus haut niveau dans un contexte de forte concurrence internationale .
Lors des débats sur le réexamen de la loi de bioéthique prévus prochainement au Parlement, le législateur ne saurait manquer l'occasion de consacrer une médecine régénérative prometteuse qui ne soulève aucun problème éthique. Ces nouvelles avancées dans le domaine des cellules souches postnatales ne pourrait-il pas le conduire à revoir sa copie quand la science affirme elle-même que la recherche sur l'embryon est plus que jamais sans intérêt ?
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[1] Académie nationale de médecine, Les cellules souches du cordon et du placenta : de la recherche aux applications thérapeutiques, Rapport adopté le 26 janvier 2010 au nom du groupe de travail présidé par le professeur Jacques Caen, professeur d'hématologie émérite. Toutes les informations de notre article sont tirées de ce rapport officiel.
[2] Les cellules souches hématopoïétiques fournissent l'ensemble des lignées de cellules sanguines pendant toute la vie.
[3] Sang de cordon, proposition de loi au Sénat, www.genethique.org, 1er mars 2010.
[4] Han Z.C. Le cordon ombilical, source de cellules souches totipotentes. Bull. Acad. Natle Med., 2009, 193(3) : 545-7.
[5] Les protéines du système HLA assurent la reconnaissance entre le soi et le non soi, et donc l'acceptation ou le rejet des greffons.
[6] Granero-Molto F., Weis J.A., Longobardi L., Spagnoli A. Role of mesenchymal stem cells in regenerative medicine: application to bone and cartilage repair. Expert Opin. Biol. Ther., 2008, 8(3):255-68.
[7] Wu K.H., Zhou B., Mo X.M., Cui B., Yu C.T., Lu S.H., Han Z.C., Liu Y.L. Therapeutic potential of human umbilical cord-derived stem cells in ischemic diseases. Transplant Proc., 2007, 39(5):1620-2.
[8] Marianne Bliman, Entretien avec Jean Leonetti, La découverte des cellules souches adultes fait disparaître certaines problématiques éthiques , Les Echos, 17 février 2010.
[9] Brooke G., Rossetti T., Pelekanos R., Ilic N., Murray P., Hancock S., Antonenas V., Huang. G., Gottlieb D., Bradstock K., Atkinson K. Manufacturing of human placenta-derived mesenchymal stem cells for clinical trials, Br. J. Haematol., 2009, 144(4):571-9.

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