L‘incertitude qui pèse, à l'heure où nous écrivons, sur le pronostic vital d'Ariel Sharon, ne peut rien contre le constat qu'il a quitté la scène politique et qu'Israël devra être dirigé par d'autres personnalités.

Certes, celles-ci n'échapperont pas à son emprise, puisque, d'ores et déjà, le général Sharon compte au nombre des dirigeants historiques de l'État hébreu. La politique qu'il a menée dans la dernière période ne pourra être désavouée, à moins d'éléments encore imprévisibles qui tendraient à modifier les données de la situation du Proche-Orient. Toute analyse politique étant toujours circonscrite étroitement par des circonstances datées, il faut convenir, pour le moment présent, que le sort de la paix dans cette région du monde est lié à l'orientation que le Premier ministre israélien lui a donnée et qui est venue démentir bien des a priori.

Il ne faut pas remonter très loin en arrière en effet pour se souvenir de l'effroi qui entourait ce militaire - incontestablement courageux mais impitoyable -, dont la responsabilité dans le drame des camps palestiniens de Sabra et Chatila, en 1982, obscurcissait la réputation. Que pouvait-on attendre d'un "faucon", sinon la fin du processus de paix auquel le général Itzhak Rabin avait associé son nom et jusqu'à sa mort ? Et la réalisation du projet du "grand Israël" dont la poursuite supposait l'éradication de la résistance palestinienne ?

De fait, la logique mise en route par la deuxième intifada (déclenchée par une provocation caractérisée de Sharon) ne semblait avoir qu'une issue : la disparition de l'autorité palestinienne et, ipso facto, du partenaire avec lequel aurait pu être menée à bien la négociation débouchant sur la naissance d'un authentique État palestinien.

C'est Sharon qui est venu interrompre brutalement la logique qu'on lui prêtait.

Ses motifs furent purement pragmatiques. Le grand Israël était hors de portée et Tsahal se serait épuisée à défendre une idée impossible. C'est pourquoi, unilatéralement, le Premier ministre décida le désengagement de la bande de Gaza, imposant aux colons israéliens un départ qu'ils ne lui ont pas pardonné. Seul Sharon était en mesure d'imposer un tel tournant à son pays, comme seul son prédécesseur Menahem Begin, vieux combattant intraitable de l'indépendance, avait pu imposer la paix séparée avec l'Égypte d'Anouar el Sadate. La suite d'un tel retournement semblait être le retour à une négociation bilatérale avec le successeur d'Arafat.

La crainte actuelle est que la disparition de Sharon de la scène politique vienne interrompre un scénario que son autorité imposait. Le Kadima, le nouveau parti qu'il avait fondé dans le seul but de soutenir cette orientation nouvelle, semble en mesure de l'emporter aux prochaines élections et son successeur probable, Ehud Olmert, qui assume l'intérim, n'a pas d'autre perspective que de mener à bien l'avènement de la paix. Mais seul un consensus populaire, rendu possible par Sharon, pourra durablement influer pour qu'il devienne le seul objectif d'Israël.

*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique

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