Que pensent les musulmans du voile, du statut de la femme, de la liberté du mariage, de la liberté religieuse ? Il serait plus utile d'avoir une réponse à ces questions-clés, plutôt que de déclarer ouverte la chasse aux vilains Suisses... Oui à l'intégration, mais sur des bases claires.

Le référendum suisse continue de faire des vagues. On enregistre, en gros, deux types de réactions. Il y a ceux qui critiquent les Suisses, ces affreux populistes, ces ignobles racistes, ces horribles xénophobes, on en passe... et ceux qui critiquent les référendums. Un peu comme Giscard qui regrettait la consultation de 2005 sur la constitution européenne, disant en substance: J'avais bien dit bien qu'il ne fallait pas le faire ! La preuve : la réponse a été négative. Plaisante conception de la démocratie...
Est-il possible de faire entendre un autre son de cloche ? (si toutefois il est encore permis de faire entendre des cloches dans notre beau pays).
Xénophobie, dit-on. En tout cas, la votation suisse montre de façon claire que les musulmans provoquent des sentiments de peur, voire de rejet. Et pas seulement en Suisse : un sondage publié par le Figaro la semaine dernière montrait que 46 % des Français étaient opposés à la construction de minarets, contre 40 % qui s'y déclaraient favorables. Plutôt que de se livrer à un prêchi-prêcha aussi vain qu'inutile, essayons d'analyser, calmement, les raisons de cette attitude. Et posons la question taboue : demandons-nous si les musulmans d'Europe font tout ce qu'il faut pour éviter de susciter de telles réactions. Prenons trois exemples.
Sur le voile, par exemple, et sur la burqa, quelle la position des musulmans ? Sont-ils pour, sont-ils contre ? Est-ce que ces vêtements sont nécessaires à la préservation de la pudeur de la femme, selon le Coran, ou cette tradition s'est elle imposée d'elle-même, sans véritable raison religieuse ? On entend beaucoup d'islamologues, plus savants les uns que les autres, tenter de répondre à cette question. Leurs analyses ne manquent pas d'intérêt, mais on aimerait entendre, aussi, les musulmans eux-mêmes.
Sur le statut de la femme, ensuite. La femme, dans le monde musulman, est-elle l'égale de l'homme, juridiquement parlant ? Une femme a-t-elle le droit d'épouser l'homme de son choix ? On observe en Europe le retour des mariages forcés, notamment chez les personnes d'origine maghrébine et chez les Turcs. Qu'ont-ils en commun ? Pas grand-chose, si ce n'est l'islam. Est-ce un hasard ?
Sur la liberté religieuse, enfin. A-t-on le droit d'abjurer sa religion, et d'en embrasser une autre ? À cette question, la réponse des chrétiens, des juifs, des bouddhistes, est claire : c'est oui. Et pour les musulmans ? On dit que le Coran promet la peine de mort aux apostats. Est-ce toujours vrai ? On aimerait, là encore, que les musulmans s'expriment. La loi française également est très claire : chacun a le droit de pratiquer la religion de son choix. Il serait intéressant d'interroger sur le sujet un musulman français tenté par une conversion au christianisme.
Sous le tapis
On connaît d'autant moins la position officielle des musulmans sur ces problèmes que l'État français évite soigneusement de la leur demander. En 2003, un ministre de l'Intérieur nommé Sarkozy avait quasiment forcé les musulmans à accoucher d'un Conseil français du culte musulman (ce dont il tira grande fierté, sans qu'on comprenne très bien pourquoi). On aurait pu, à cette époque, mettre les musulmans au pied du mur et leur poser les questions qui fâchent. C'était le moment où jamais. On s'en est bien gardé. Au lieu de mettre les vrais enjeux sur la table, on les a glissés sous le tapis. Par manque de confiance en soi ? Ou manque de confiance en l'autre ?
Shmuel Trigano, dans La Démission de la République (PUF 2003), rappelle les efforts qu'a dû faire la communauté juive, au XIXe siècle, pour s'intégrer pleinement dans la nation française. Il constate avec tristesse, et nous aussi, que ces efforts, personne ne demande aux musulmans de les faire. C'est dommage pour les musulmans qui souhaitent s'intégrer, ce serait leur rendre service. C'est dommage pour les Français de souche qui ne demandent pas mieux que d'intégrer de nouveaux Français. C'est dommage pour la France dans son ensemble. Si intégration il doit y avoir, elle ne se pourra se faire que sur des bases claires. Ou alors elle n'aura jamais lieu.  
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