Ce 12 décembre, l'Assemblée nationale a débattu du cryptage des films pornographiques à la télévision. Le débat a sombré faute de temps, faute surtout de cohérence politique. Face à la proposition réductrice et inopérante en faveur du double cryptage, la majorité était divisée : certains souhaitaient un débat plus approfondi qu'il n'était pas possible de tenir faute de temps, d'autres concevaient visiblement la proposition de loi comme une façon de se débarrasser du vrai débat.

La majorité craignant de passer pour liberticide ou " familiariste ", Christian Jacob, ministre de la Famille, a même renoncé à l'amendement Boutin-Martinez qui lui permettait de partager avec son collègue de la culture la tutelle sur la classification des films pornographiques. L'opposition a eu beau jeu de tirer parti de la situation pour obtenir le blocage des discussions et le report du vote.

Cependant, dans une société où la "culture pornographique" semblait envahir sans aucune résistance l'univers commercial et médiatique, il faut saluer le chemin parcouru en quelques mois. Les ministres de la Famille des deux gouvernements successifs (Ségolène Royal puis Christian Jacob) ont participé à une première étape dans la prise de conscience : ils ont reconnu que les images pornographiques sont dangereuse pour les enfants. Dominique Baudis, président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, a eu le courage de se prononcer pour l'interdiction de ces images à la télévision. Avec Christine Boutin, 101 députés UMP ont à leur tour déposé une proposition de loi en ce sens. Mais c'est la seconde proposition Bur-Zimmermann et Rivière qui a été retenue par la commission des lois. On conaît la suite... pour l'instant.

Les enfants victimes des images. Il faut préciser ce que les experts alertés par les gouvernements successifs ont découvert : des millions de petits Français ont vu des séquences pornographiques (un sur deux à l'âge de 11 ans selon certaines enquêtes) ; or, l'impact de ces images, affirment-ils, peut être "analogue à celui d'un abus sexuel". Toujours selon eux, la montée de la violence sexuelle, notamment chez les jeunes, est révélatrice d'une "mise en pratique" des normes pornographiques : elles dissocient la sexualité de toute forme de relation affective et présentent les femmes comme des objets de consommation toujours disponibles.

L'idéologie libérale-libertaire contre-attaque. Face à cette prise de conscience, et aux préconisations de contenir ou d'interdire la pornographie, une partie de l'intelligentsia contre-attaque aujourd'hui au nom de la liberté d'expression. Avec en toile de fond les 200 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel de cette industrie... Mais pourquoi refuserait-on de poser un interdit lorsque c'est la dignité humaine qui est en jeu et que la violence sexuelle met les éducateurs en échec ? Notre société a bien été capable de mettre hors la loi les propos ou séquences racistes ou révisionnistes qui ont également, dans un autre domaine, des conséquences violentes...

Les Français sensibilisés par une campagne. C'est dans ce contexte que l'Alliance pour les Droits de la Vie a lancé une campagne nationale de sensibilisation : " Enfance et pornographie : osons dire la vérité ! ". Ses mille volontaires distribuent dans les rues de nombreuses villes 500.000 dépliants des dizaines de milliers d'affiches, de dossiers argumentaires et d'autocollants. Un site Internet est créé www.sosenfance.org .

Faut-il être surpris ? L'accueil de cette campagne par la France " d'en bas " tranche avec l'attitude défensive des médias nationaux : municipalités, écoles, associations de quartier, travailleurs sociaux, parents d'élèves et paroisses (dans les milieux catholiques et aussi protestants grâce à un partenariat avec le Comite Protestant pour la Dignité Humaine) expriment une lassitude face aux images qui s'imposent à tous, que l'on ne peut plus contrôler et qui blessent de plus en plus d'enfants, de jeunes et aussi d'adultes. A cet égard, le mérite de la campagne de l'Alliance pour les Droits de la Vie est d'oser dire que la pornographie fonctionne également comme une forme de drogue pour beaucoup d'homme enfermés dans cette expression de la sexualité privée de sens. Des couples sont brisés à cause de cette dépendance. Quant à la Fédération Familles Médias qui participe aussi à la campagne, elle demande que soit renforcé le pouvoir du CSA.

Double-cryptage : le risque d'un consensus mou. Il est essentiel de resituer l'enjeu législatif du débat du 12 décembre. La majorité semble tentée de se contenter de la solution du " double-cryptage " qui prétend concilier l'intérêt des diffuseurs de pornographie et celui des enfants. C'est le sens de la proposition de loi déposée par Yves Bur avec deux autres parlementaires UMP. Mais cette seconde proposition est en réalité un leurre qui vise à écarter la proposition d'interdiction. On découvre vite sa faiblesse : deux tiers des abonnés à Canal +, chaîne qui a proposé cette " solution ", seraient incapables de la mettre en œuvre puisqu'ils ne reçoivent pas les images sous format numérique.

De plus, les enfants sont les premiers à déjouer les filtres informatiques qu'on prétend leur imposer. Et surtout, il est temps que les pouvoirs public assument par un signe fort une position ferme contre des images qui font tant de mal. Chacun d'entre-nous peut demander à son député d'avoir le cran de se battre aussi, dans ce domaine, pour la sécurité des plus faibles. C'est ce que demandent les personnes engagées dans la campagne de sensibilisation de l'Alliance pour les Droits de la Vie en rencontrant les députés. Elle le font sans agressivité et même avec douceur, en prônant une approche de la sexualité qui réconcilie le cœur et le corps et respecte l'intimité de chacun. La douceur, n'est-ce pas la meilleure réponse que l'on puisse trouver à la violence de la pornographie ?

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