La bataille pour le respect de la vie humaine ne fait pas nécessairement beaucoup de bruit. Chacun, a sa place, selon sa sensibilité, peut tenter de faire progresser le bien, ou d'enrayer le mal.

À deux reprises depuis le début de l'année, un sénateur, Mme Marie-Thérèse Hermange (Paris, UMP), a interpellé le ministre de la Santé sur l'aménagement de certains dispositifs de santé publique requis par la réglementation ou recommandés par l'administration, et manifestement en déshérence. Le 1er mars, Mme Hermange interrogeait le ministre sur les suites qui seront données au rapport rendu public en 2006 par la Cour des Comptes sur la politique des soins palliatifs (on trouvera le texte de sa question écrite ci-dessous). On attend la réponse du ministre, Philippe Bas. Auparavant, le sénateur attirait l'attention du gouvernement sur la nécessité de garantir le droit des personnels médicaux à exercer leur clause de conscience à l'égard de l'avortement, un droit dont l'application n'est pas sans poser des difficultés. Le ministre lui a répondu le 7 février.

Pour garantir le droit d'exercer cette clause de conscience, Mme Hermange suggérait de faire du service assurant la sécurité sanitaire des avortements une structure spécifique, permettant ainsi aux pôles voisins de recruter des personnels dans le respect de leur liberté de conscience, puisqu'ils ne seront pas sollicités pour participer à des interruptions de grossesse. On notera que dans le débat qui opposait récemment Tugdual Derville au Professeur Nizan sur M6, ce dernier préconisait exactement le contraire : pour Israël Nizan, il faut regrouper les services (maternités et IVG), dans le but de surmonter les difficultés à trouver des médecins pour pratiquer les avortements. Le ministre Philippe Bas n'invoque pas les mêmes arguments, mais sa réponse est la même : il ne faut pas séparer les services, pour des raisons de sécurité sanitaire... Voici le texte du dialogue entre Mme Hermange et M. Bas. Manifestement, le problème reste entier.

Réponse du ministère délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille à Mme Hermange

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 1218, adressée à M. le ministre de la Santé et des solidarités.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de garantir aux personnels médicaux le droit d'exercer leur clause de conscience dans le cadre d'une interruption volontaire de grossesse.

Vous le savez, l'article L. 2212-8 du code de la santé publique stipule qu' un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse et qu' aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse .

Cette clause de conscience est donc un élément essentiel du point d'équilibre qu'a pu définir notre législation en la matière. Elle permet, en effet, aux personnels médicaux d'agir selon leurs convictions et leur professionnalisme, en toute connaissance de cause.

Or, sur ce point, si le droit est clair, la pratique est parfois ambiguë et crée des situations où la volonté d'un médecin, d'une sage-femme, d'un infirmier ou d'un auxiliaire médical d'exercer cette clause de conscience devient un facteur de discrimination à l'embauche comme à l'avancement.

Pour des questions d'efficacité ou de praticité, certains établissements peuvent considérer que l'interruption volontaire de grossesse est un acte médical comme un autre et préférer ainsi, lors de l'embauche, des candidats qui déclarent explicitement ne pas souhaiter exercer ce droit. Plusieurs exemples de cette nature m'ont été rapportés récemment, dont l'un d'entre eux par notre ancien collègue, Claude Huriet, dans un établissement hospitalier de sa région.

De fait, il deviendrait particulièrement difficile pour nombre de professionnels, à commencer par les médecins gynécologues-obstétriciens et les sages-femmes, d'exercer leur métier dans le respect de leurs convictions. On peut d'ailleurs se demander, monsieur le ministre, si cette situation n'est pas

une cause, parmi d'autres, du manque de médecins dans cette spécialité.

C'est pourquoi je vous demande quelles solutions pourraient être mises en oeuvre pour garantir le droit d'exercer cette clause de conscience. Une piste pourrait être de faire du service assurant la sécurité sanitaire des avortements une structure spécifique, permettant ainsi aux pôles voisins de recruter des personnels dans le respect de leur liberté de conscience, puisqu'ils ne seront pas sollicités pour participer à des interruptions de grossesse. La problématique que j'évoque au sujet des IVG peut, d'ailleurs, s'appliquer aussi à la fécondation in vitro.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice (sic), vous soulevez une question ô combien délicate !

La loi Veil de 1975 impose aux services publics hospitaliers, mais aussi aux établissements privés, de s'organiser pour assurer la mise en oeuvre du droit à recourir à une interruption volontaire de grossesse ; dans le même temps, elle reconnaît la possibilité, pour des raisons de conscience, à toute personne de l'équipe médicale, à commencer par les médecins eux-mêmes, de ne pas s'associer à cette pratique.

Nous réussissons à assurer cet équilibre délicat entre l'obligation de service public et la clause de conscience depuis près d'un tiers de siècle : l'obligation pèse sur les gestionnaires hospitaliers d'assurer la mise en oeuvre effective de la loi et la clause de conscience doit également être respectée.

Il n'est pas possible, je le réaffirme, d'aller contre cette clause de conscience, au nom de l'obligation d'assurer l'organisation de l'hôpital pour appliquer la loi de 1975. Pour autant, cette obligation est bien réelle ; elle a été réaffirmée par le législateur dans la loi du 4 juillet 2001.

Comment faire en sorte que cet équilibre fonctionne dans le respect de la clause de conscience et de l'obligation légale ? C'est le point sensible que vous soulevez, madame la sénatrice.

La piste que vous proposez me paraît délicate. En effet, la création d'unités spécifiques indépendantes des services de gynécologie-obstétrique ou de chirurgie pour la pratique des interruptions volontaires de grossesse pourrait ne pas favoriser, dans un certain nombre de cas, la continuité des soins.

Naturellement, y compris sur le plan médical, l'interruption volontaire de grossesse n'est pas un acte anodin. Par conséquent, il est normal que cette pratique soit assurée par les services de gynécologie-obstétrique, qui ont les moyens et l'expérience souhaitables pour que les conditions sanitaires soient réunies. N'oublions pas que l'exigence sanitaire a été l'une des premières motivations de la législation de 1975.

Il faut donc se garder d'aboutir à des organisations qui ne favoriseraient pas la continuité des soins, la sécurité sanitaire, la qualité de la prise en charge des femmes qui, conformément au droit en vigueur, ont décidé d'interrompre volontairement leur grossesse, car il faut prévoir un accompagnement prolongé et adapté.

Soyez certaine que le Gouvernement a à coeur de respecter la notion d'équilibre que vous avez rappelée dans votre question ! Les gestionnaires hospitaliers ont l'obligation de respecter la clause de conscience ; pour autant, ils sont chargés d'assurer l'application de la loi dans les meilleures conditions sanitaires possibles, conditions qui ne me paraissent pas compatibles avec la création des unités spécialisées que vous préconisez.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le ministre, je partage vos objections. Je vais donc vous faire une autre proposition, qui sera peut-être plus facile à accueillir : pourquoi le ministère n'adresserait-il pas une note de service aux chefs de service et aux directeurs d'hôpitaux disposant d'un service de gynécologie obstétrique dans leur établissement afin de leur rappeler la clause de conscience ?

Il faut vraiment revisiter la pratique des IVG.

Le Haut conseil de la population et de la famille, dont je suis membre, s'est penché sur cette question, et j'ai pu constater que de plus en plus de jeunes - de plus en plus jeunes - avaient recours à l'IVG. Des médecins externes, qui auraient bien voulu pratiquer la gynécologie, mais qui ont renoncé à s'engager dans cette voie, m'ont même cité l'exemple de jeunes femmes qui en étaient à leur septième avortement à trente ans !

Dans ces conditions, nous avons tous le devoir de nous pencher sur les conditions dans lesquelles sont pratiquées les IVG - je pense notamment à l'entretien préalable, qui est souvent bien trop rapide. Il y va de notre responsabilité !

Source : JO Sénat du 07/02/2007 - page 953

Place accordée aux soins palliatifs dans notre système de santé

Question écrite n° 26453 de Mme Marie-Thérèse Hermange

Définis par l'Organisation mondiale de la santé comme des soins actifs et complets donnés aux malades dont l'affection ne répond plus au traitement curatif , les soins palliatifs permettent d'offrir à la personne souffrant d'une maladie incurable l'accompagnement humain dont elle a fortement besoin. La lutte contre la douleur et les autres symptômes, ainsi que la prise en considération des problèmes psychologiques, sociaux et spirituels sont primordiaux. Ils ne hâtent ni ne retardent le décès précise l'OMS, ajoutant que leur but est de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu'à la mort . A ce titre, il est essentiel de soutenir notre politique de soins palliatifs pour éviter que la question, légitime, du respect et de l'accompagnement de la fin de vie – qui se pose de manière prégnante dans notre société – ne glisse vers l'accélération de cette fin de vie, dérive ô combien dangereuse.

Or, la Cour des Comptes a diagnostiqué en 2006 un certain nombre de carences de notre politique de soins palliatifs, soulignant que la fin de vie dans nos sociétés contemporaines, est aujourd'hui trop souvent réduite à une question de technique médicale et que ses dimensions affectives et humaines tendent à être ignorées par les institutions . Au nombre de ses recommandations se trouvent :

- l'individualisation de la politique des soins palliatifs, plutôt que son intégration au plan cancer ;

- le développement des travaux prévus en matière d'études relatives aux besoins à satisfaire et d'évaluation qualitative de l'offre en soins palliatifs ;

- le développement des soins palliatifs dans le secteur médico-social et à domicile ;

- la surveillance de l'application de la T2A dans le domaine des soins palliatifs afin d'éviter d'éventuels effets pervers.

Outre ces recommandations, le rapport appelle à une nécessaire redynamisation de cette politique. Ce conseil est d'une grande pertinence afin d'asseoir une politique de soins palliatifs garantissant l'accompagnement et le respect de la fin de la vie.

C'est pourquoi [Mme Hermange] demande [au ministère] quelles suites il entend donner aux recommandations de ce rapport et, de manière générale, de quel projet il est porteur pour le développement des soins palliatifs dans notre système de santé.

Source : JO Sénat du 01/03/2007, p. 437

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