En l'honneur des JMJ de Toronto, nous achevons notre histoire des Journées mondiales de la jeunesse "vues de France", avec l'apothéose parisienne de 1997. Les hésitations françaises qui perdurent encore sont définitivement balayées par l'enthousiasme de la base.

 

Rares sont les mouvements à émettre de vives réserves face à la rencontre internationale prévue pour 1997 à Paris. Pourtant, janvier 1996, l'équipe nationale du MRJC s'adresse à Mgr Jacques Fihey, président du comité épiscopal du Monde rural, en déclarant à propos des Journées mondiales de la jeunesse et plus particulièrement pour celle de Paris :

" Ces rassemblements s'inscrivent dans la dynamique de la nouvelle évangélisation initiée par le pape Jean Paul II. Le MRJC ne se retrouve pas dans cette démarche de type globalisante et qui étouffe la diversité des manières de faire Église au nom d'une unité niveleuse. [...]

. Nous voyons, à travers ce type de rassemblement, un danger pour les jeunes, un temps fort ne leur permettant pas de s'investir davantage dans leurs lieux de vie. Y aura-t-il un avant et un après, les jeunes pourront-ils s'investir à plus long terme ?

. Est-ce structurant pour des jeunes d'être sollicités d'une année à l'autre, d'un rassemblement à l'autre ? C'est le diocèse, c'est le Mouvement, c'est Czestochowa, etc.

La démarche du type de Czestochowa montre une non reconnaissance du travail de mouvements comme le nôtre qui veulent permettre à des jeunes de s'investir sur une durée. C'est à travers l'action qu'ils peuvent cheminer et ainsi approfondir leur foi avec d'autres.

[...]. Toutes ces réserves et ces interrogations du MRJC nous conduisent à émettre les plus grandes réserves sur la tenue du rassemblement mondial de la Jeunesse à Paris, et pour l'instant, à suspendre notre participation à ce rassemblement [...]. "

Cette suspension se concrétise par une absence quasiment totale de participation de la part du MRJC. Pendant plusieurs mois, les inscriptions de Français demeurent peu nombreuses. Fin juin 1997, celles enregistrées par le biais des diocèses s'élèvent à un millier. Finalement, les effectifs dépassent les espérances des organisateurs. Quelques personnes critiquent néanmoins. Dans un article intitulé " On n'était pas là pour débattre ", Anne-Emmanuelle note dans Réforme :

" En sociologue des religions, Danielle Hervieu-Léger commente l'âge de cette foule : " La fourchette 18-35 ans annoncée est fausse. Il y avait énormément de très jeunes et, en revanche, les organisateurs ont eu une conception extrêmement extensive de la jeunesse ! Car le recrutement des JMJ se fait essentiellement à l'intérieur d'une jeunesse issue des classes moyennes, complètement socialisée à l'intérieur de l'Église catholique : surtout écoles religieuses avec leurs enseignants et leurs aumôniers, et scoutisme. " Cela explique les deux tranches d'âge très typées des participants : 12-18 ans et 40-65 ans, avec fort peu de 20-35 ans. "

De telles informations étonnent. Une simple étude des données statistiques montre leur caractère erroné. L'analyse des inscriptions de diocèses situés sur l'ensemble du territoire national donne la répartition suivante : 18,7 % pour les moins de 18 ans, 78,2 % de 18 à 35 ans et 3,1 % pour les plus de 35 ans.

Amplifiant leur niveau de participation par rapport aux précédentes JMJ, mouvements et organisations s'occupant de jeunes participent d'une manière soutenue à la rencontre d'août 1997. Les absences ou les participations homéopathiques antérieures ne paraissent guère de mise cette fois-ci. Des différences sensibles existent néanmoins sur le fond et dans la forme des propositions formulées aux jeunes accueillis dans le cadre du " Festival de la jeunesse " intégré au cœur de la rencontre internationale.

Les JMJ d'août 1997 se déroulent en deux phases. Du 14 au 18 de ce mois, un premier accueil, avec une animation spirituelle plus ou moins prononcée, est proposé dans chaque diocèse de France. Ensuite, du 18 au 24, la rencontre se poursuit à Paris et dans la région environnante. Des temps de catéchèse assurent une préparation en profondeur. Ces moments de formation alternent avec un " Festival de la jeunesse ", vaste rencontre éclatée sur plusieurs jours et en plusieurs lieux. Mouvements et organisations se consacrant aux jeunes, ainsi que la plupart des ordres religieux et des éléments constituant la Coopération missionnaire, participent à l'animation de ce Festival de la jeunesse. Tout cela constitue un prélude aux rencontres avec Jean Paul II les 22, 23 et 24 août.

Le 17 août 1997, le centre Saint-Vincent qui répertorie les inscriptions dénombre 58122 Français enregistrés par le biais d'organisations et de 82 diocèses. Une comptabilisation stricte est difficile à réaliser car des jeunes appartenant à un mouvement peuvent s'inscrire auprès de leur diocèse. Le contraire est également vrai. Néanmoins, des tendances nettes apparaissent. À nouveau, l'Emmanuel se démarque avec 6035 personnes. Souvent peu connu en France, Regnum Christi, branche laïque des Légionnaires du Christ arrive en deuxième position avec 1356 participants. D'autres associations suivent : Chemin neuf (1124) ; Chemin néocatéchuménal (850) ; Congrégation Saint-Jean (790) ; Scouts de France (700 pour les 23 et 24 août) ; Société Saint-Vincent-de-Paul (644) ; Béatitudes (592) ; Familles de l'Assomption (466) ; Institut Notre-Dame de Vie (390) ; CICG- CICS (375) ; Enfants du Mékong (350). Mis à part le MRJC, les mouvements liés de longue date à l'épiscopat s'engagent davantage que par le passé : Scouts de France déjà mentionnés, Mouvement eucharistique des jeunes (162) ; Jeunesse étudiante chrétienne (8). Du côté des diocèses, certains font pâle figure au regard de leur effectif démographique et de leur proximité géographique : Lille (332) ; le Havre (84). En revanche, d'autres offrent une mobilisation plus conséquente, outre ceux de l'Île-de-France : Rouen (1378) ; Nantes (1270) Rennes (1260) ; Angers (1184) ; Bordeaux (1155) ; Cambrai (1043). Les efforts sont sans doute plus particulièrement sensibles de la part de diocèses tels Saint-Denis de la Réunion (376) ; Cayenne (157) ; Fort-de-France (155) ; Aire et Dax (295) ; Gap (296) ; Moulins (220). Ces chiffres du 17 août 1997 présentent l'origine des participants français à la veille de leur venue à Paris. L'animation dans les diocèses et la vue des jeunes à la télévision constituent deux éléments essentiels qui expliquent les inscriptions réalisées ultérieurement. Ainsi est-il important de cerner au mieux le profil de ces jeunes qui donnèrent aux autres le goût de répondre à l'invitation de Jean Paul II.

Évêques, observateurs du fait religieux, journalistes et nombre de personnes s'interrogèrent sur le succès de cette rencontre d'août 1997. Sans doute était-il souhaitable de comprendre les raisons de cet engouement. Les éléments statistiques offrent des clefs d'explication. Ces données existent. Elles permettraient d'aiguiller la pastorale à mener en France auprès des jeunes. Collationnées par le centre Saint-Vincent, elles furent transférées au secrétariat national de l'Apostolat des laïcs où elles ne restèrent que quelques mois avant d'être, en 1998, expédiées au centre national des archives de l'Église de France afin d'y être entreposées. Aucune trace n'en fut conservée à l'Apostolat des laïcs. Son responsable ne transmit aucune information aux évêques à l'occasion de leur Assemblée plénière de l'automne 1997 qui établissait un bilan des Journées mondiales de la jeunesse, ainsi que lors de celle de 1998 axée sur l'Apostolat des laïcs. Seul fut retenu, pour les Français, le chiffre global d'environ 350.000 participants.

Après Rome, Toronto...

Les Journées mondiales de la jeunesse de Rome d'août 2000 se déroulent au cœur de l'Année sainte. Provenant de France, 78 évêques et environ 75000 jeunes y ont été comptabilisés, notamment 55.000 inscrits par les diocèses et 15.000 par les nouveaux mouvements ecclésiaux. La délégation française est la deuxième après celle de l'Italie. En écho à ce pèlerinage romain, pour la fête de l'Assomption, Mgr Brincard accueillait au Puy-en-Velay les familles et leurs enfants trop jeunes pour se joindre à leurs aînés : plusieurs milliers de fidèles ont répondu à son appel à se rendre dans la cité mariale en communion ecclésiale avec les jeunes du monde entier convergeant vers l'Italie. À Rome, le succès des catéchèses est indéniable. De nombreux jeunes se confessent au cirque Maxime où moururent tant de chrétiens au nom de leur foi. Le rassemblement en la Ville éternelle, lieu du martyre des apôtres Pierre et Paul, renoue avec la tradition des pèlerinages déjà visible à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Czestochowa. Par la démarche de pèlerinage, les catéchèses, les confessions, les temps de prière ou l'appel aux vocations, ces Journées mondiales de la jeunesse constituent un moyen privilégié d'évangélisation. L'organisation de la prochaine rencontre, dans la ville canadienne de Toronto en 2002, s'esquisse sur ces fondements.

Ludovic Laloux est né en 1963, docteur en histoire. Dernier ouvrage paru : le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ), Le Sarment-Fayard, 1988. En préparation : publication de sa thèse sur l'apostolat des laïcs en France depuis le concile Vatican II.

Le texte intégral de cet article est publié dans Liberté politique n° 14, automne 2000.