Gleeden.com : le marché de l'adultère

La récente campagne d’affichage dans les lieux publics du site de rencontres extra-conjugales Gleeden provoque un tollé chez les défenseurs du mariage.  Des Veilleurs qui ont arraché ces affiches faisant la promotion de l’infidélité se sont vus infligés une amende. Le blogueur Koz bat le rappel contre le caractère illicite, asocial et immoral d’une publicité qui incite « à violer une obligation que l'on contracte au moment du mariage » (Place aux anticorps). Lors du lancement de Gleeden, Libertepolitique.com avait pointé l’illégalité de cette marchandisation de l’adultère.

[Mis à jour] Une plateforme communautaire entièrement dédiée aux personnes mariées ou en couple qui cherchent à faire de nouvelles rencontres, extra-conjugales : c'est ainsi que se définit le site Internet Gleeden.com. Le mot est formé de Glee : jubilation et de Eden (on distingue d'ailleurs sur le logo le fruit défendu : la pomme dans laquelle on a croqué).

En achetant des packs de crédits allant de 7 € pour quelques échanges à 900 € pour un abonnement à vie, les membres sont assurés de faire des rencontres en toute tranquillité et élégance, Gleeden mettant en avant la dimension internationale du réseau, une modération exigeante, et une politique zéro faux membre. Entre l'Europe et les États-Unis, le site revendique deux millions de membres, dont 900.000 en France.

L'idée est née de ce constat : « 34% des hommes mariés et 25% des femmes ont avoué avoir eu au moins une relation extra-conjugale pendant leur mariage, explique le directeur de communication de Gleeden.com. Notre site a donc pour objectif de répondre aux besoins de ce type de population qui ne se retrouve pas sur l’Internet ».

En effet, poursuit un autre responsable de Gleeden, « sur les sites pour célibataires, un inscrit sur trois est déjà un marié qui ne se déclare pas. Sur notre site, les gens mariés peuvent déclarer leur statut et leur quête de sensations hors du couple. On ne pousse pas à l'infidélité, on ne fait que répondre à un besoin ».

Trompeuse monogamie

La création de ce site met en lumière la banalisation croissante de l'adultère : en témoigne également cette interview d'une psychologue dans un livre intitulé Les Hommes, l'amour, la fidélité [1] ; l'auteur y explique que le problème, c'est que notre culture nous impose une monogamie forcée qui ne tient pas compte du désir. Penser qu'aimer rime toujours avec absolue fidélité expose à des déconvenues et à des ruptures qui font souvent souffrir. Son livre s'adresse donc aux jeunes femmes amoureuses, pour leur faire comprendre qu'une monogamie exigeante s'accorde parfois mal avec la durée d'un couple.

Entre autres développements savants, l'auteur précise que le mot fidélité n'a pas le même sens pour un homme et pour une femme, et expose la surprenante notion de polygames fidèles... On hésite entre le rire et les larmes.

Il ne s'agit là que d'un exemple dans l'abondante littérature consacrée à l'infidélité : combien de tests psychos et autres articles ou essais vantent les prétendus mérites de l'adultère, rejetant la fidélité comme une pratique au mieux surannée, au pire déviante (si l'homme était monogame, cela se saurait) ? Ne sous-estimons pas l'impact néfaste de ces théories sur les consciences, et en particulier sur les consciences en formation.

Hors-la-loi ?

Car finalement l'adultère, exploité comme n'importe quel produit, finit par échapper à toute considération morale : tout ce qui peut se vendre se vend. Les marketeurs ne s'y trompent d'ailleurs pas, qui cultivent habilement l'ambiguïté des arguments commerciaux, en n'hésitant pas à présenter parfois l'infidélité comme étant au service même du mariage : sur Gleeden.com par exemple on lit « Offrez à votre situation conjugale une nouvelle chance, un nouveau souffle »...

Alors l'adultère est-il une marchandise comme les autres ? Le marché peut-il s'affranchir impunément de la morale ? Le Code civil apporte des éléments de réponse :

  • L'article 212 relatif au mariage précise que « les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance ». L'existence d'un site comme Gleeden n'est-elle pas une incitation à enfreindre cet article ?
  • Les articles 1131 et 1133 prévoient qu'un contrat (par exemple l'inscription sur le site) dont l'objet serait contraire aux bonnes mœurs puisse être déclaré nul.

Certes l'appréciation de la bonne moralité revient au juge, mais celui-ci ne fait que s'appuyer sur les pratiques en usage dans la société. La question s'adresse donc in fine à chacun de nous : savons-nous faire la différence entre le bien et le mal ? Et osons-nous la proclamer ?

A.-L. L.B.
 1e diffusion 09/10/2009.

 

Sources : L'Express (2009), www.gleeden.com
 Le Figaro (08/09/2014)

Lire aussi, du blogueur Koz :
 Gleeden : place aux anticorps (Koztoujours.fr, 04/09/2014)

 

[1] Maryse Vaillant, Les Hommes, l'amour, la fidélité, Albin Michel, septembre 2009.

 

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