Géopolitique de la France et réforme du projet européen : les avantages d’un pivot vers la Russie

Source [Revue Méthode] Le diagnostic : fragmentation du monde et nouvelle rivalité des puissances

La nouvelle rivalité des grandes puissances à l'échelle mondiale s'est imposée comme représentation géopolitique dominante depuis la désignation par les États-Unis de la Russie et la Chine comme adversaires stratégiques. C'est le temps des grandes manœuvres géopolitiques dans les espaces terrestres, maritimes, aériens mais aussi le spatial, le cyberespace, l'espace numérique et l'espace-temps de l'intelligence artificielle.La fragmentation géopolitique du monde qui suivait son cours avant la pandémie de coronavirus sort aujourd'hui renforcée.C'est un moment inédit pour identifier les grandes tendances de la géopolitique mondiale, mais aussi de réfléchir à la posture de la France dans le monde post-coronavirus, notamment pour proposer des inflexions et des adaptions en termes de priorités géopolitiques et d'alliances.L'ordre géopolitique qui émerge fait à nouveau de l'Eurasie l'enjeu majeur, tandis que l'Afrique et l'Amérique du Sud restent des théâtres secondaires.

Les États-Unis, pour ralentir la nouvelle multipolarité et défendre leur statut de première puissance en érosion, sont déjà engagés dans une manœuvre mondiale d'enveloppement de l'Eurasie avec un front Est-européen et balkanique visant la Russie et la stratégie indopacifique contre la Chine. La Chine, puissance ascendante, réplique par sa stratégie de désenclavement avec le projet des nouvelles routes de la soie dans leur dimension territoriale (Eurasie), maritime, spatiale et numérique. La Russie, partisane d'un monde multipolaire, a élaboré son projet de « Grande Eurasie »1 avec en son centre l'Union économique eurasiatique dans le cadre d'un pivot vers l'Asie pour résister à la pression des États-Unis qui imposent leurs priorités à l'OTAN et à l'Union européenne (UE). Elle fait aussi un retour en Afrique et en Amérique du Sud. La Chine et la Russie contestent toutes deux l'ordre géopolitique occidental unipolaire issu de la fin de la guerre froide. (Carte n°1: Géopolitique de la nouvelle rivalité des puissances; Carte n°2 : Les nouvelles routes de la Soie; Carte n°3 : projet russe de grande Eurasie).L'Union européenne, puissance normative, fait du multilatéralisme sa doctrine principale.

Elle fait aussi la promotion d'un monde régit par le droit international et les droits de l'Homme sur le principe idéologique de la société ouverte et du libre échange2. Elle est en désaccord avec l'unilatéralisme des États-Unis et revendique une autonomie stratégique. Elle se considère toutefois complémentaire de l'OTAN. Puisqu'elle refuse le modèle du monde multipolaire3, elle était jusqu'à présent proche des priorités géopolitiques des États-Unis en envisageant la Russie comme un défi stratégique, et la Chine comme un défi systémique. L’UE n'a donc pas de stratégie géopolitique autonome, malgré quelques différends sur certaines crises avec les États-Unis. Les désaccords entre ses États membres à l'occasion des crises successives, y compris la dernière crise sanitaire, ont souligné qu'elle poursuit sa trajectoire de fissuration croissante, avec le Brexit, le clivage Nord-Sud (zone Euro) et Est-Ouest (crise migratoire).La nouvelle rivalité géopolitique franco-allemande sur les finalités européennes4 est l'épicentre de la crise de l'UE.

Le cœur du projet européen est constitué par l'Allemagne qui se perçoit comme une puissance centrale et la France, une puissance d'équilibre qui oscillent entre rivalité et coopération dans le « couple franco-allemand ».

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