France : de la guerre agricole.

[Source : Politique Magazine]

Nos agriculteurs sont-ils victimes d’une guerre économique qui les prend pour cible ?

L’an dernier, les éleveurs de porcs manifestaient leur détresse financière, tandis que des syndicats établissaient des contrôles aux frontières afin d’empêcher les produits étrangers à bas coûts d’entrer sur le territoire national. Aujourd’hui, les producteurs laitiers bloquent les sites de la grosse industrie, et l’on apprend que « même sur le blé la France perd ! ». Au bénéfice de qui ? Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur permet de revenir sur la politique de démantèlement mise en place par la Commission européenne à partir du milieu des années 80.

« Deux superpuissances agricoles »
Ancien haut fonctionnaire de l’ONU, puis député souverainiste, Paul-Marie Coûteaux a révélé dans ses carnets personnels (publiés aux éditions Bartillat *) la véritable guerre menée par les Etats-Unis et ses affidés à la France rurale pour lui ôter son extraordinaire puissance agricole.
A lire et à relire.

« Dans le village de B., à une quinzaine de kilomètres de Jouet, un agriculteur s’est pendu avant hier au soir. La veille, selon ce que me raconte le buraliste, sa femme avait commencé à préparer le déménagement de la ferme, qu’ils devaient quitter à la fin de l’année. Ce paysan disait que ces terres étaient dans la famille depuis des siècles, et qu’il ne se résignerait jamais à les abandonner. Il ne s’est pas résigné, en effet.

« 126 000 paysans français éliminés »
« Il y a dans le monde deux superpuissances agricoles : la France, et les Etats-Unis. Pour ces derniers, c’est inacceptable. Il leur faut le monopole alimentaire mondial, comme ils ont le monopole des armements les plus modernes et entendent avoir celui de l’énergie. La Guerre agricole est donc, pour Washington, d’une importance égale à la guerre de la technologie militaire et à la guerre du pétrole. (…) Il n’y a pas à chercher plus loin les difficultés du monde agricole, et rural. En 1984, le ministre malheureusement français de l’Agriculture, Michel Rocard, avait accepté l’injonction de Bruxelles (que les gouvernements Barre avaient toujours refusée), visant à imposer des quotas laitiers – la raison invoquée était qu’il y avait « trop de lait produit dans le monde » (!).

« Les paysans avaient dû réduire leur production de 12% ; beaucoup passaient ainsi en dessous de toute rentabilité, déjà minuscule : 126 000 producteurs français avaient été éliminés ; par milliers, on avait, déjà, abattu des vaches… Or, entre 1984 et 1995, la production laitière des Etats-Unis avait augmenté de 13,5%… Et tout ainsi : dix ans plus tard, le 13 avril 1994, la Communauté européenne signait les accords de Marrakech, ceux-là même qui créaient l’OMC, et acceptait d’amputer ses aides à l’exportation de 21%. En conséquence, pour en rester au lait, les exportations de poudre de lait écrémé de la Communauté, qui représentaient 264 000 tonnes en 1992, sont tombées à 243 000 tonnes en l’an 2000 ; de fromage, de 427 000 à 305 000 tonnes ; de fruits et légumes, de 1 148 000 à 907 000.
Les importations augmentant d’autant… »

Le Tafta, offensive ultime
« Je ne vais pas recopier ici, comme pour apaiser ma colère, l’ensemble d’une note de la commission de l’agriculture du Parlement européen que j’ai sous les yeux ; il suffit d’en lire quatre ou cinq pages pour que resplendisse cette évidence : si les campagnes de France se vident, c’est que ceux qui sont ses mandataires, les élus, ont perdu dans le domaine agricole tout pouvoir ou presque, c’est-à-dire toute souveraineté, celle-ci étant ‘remontée’ à Bruxelles, et, de Bruxelles, remontée bien entendu au gouvernement central de l’Empire. C’est dans le domaine où l’abandon de souveraineté fut maximal que la détresse est aujourd’hui maximale…  »

Ces lignes datent de 2001. Bien avant que le Traité transatlantique – qui pourrait définitivement consacrer la suprématie des Etats-Unis sur l’agriculture française – ne soit négocié en secret. Les discussions, récemment suspendues par les gouvernements allemand et français, devraient reprendre en 2017.

* Un petit séjour en France, de Paul-Marie Coûteaux (éd. Bartillat, 18 euros).