C'est donc une véritable exécution et non un échange de tirs qui a mis fin aux jours de Ben Laden. Vis à vis de l'opinion musulmane, il aurait été évidemment périlleux pour les Américains de le capturer, de le condamner à mort et de l'exécuter. Même la photo de son cadavre est jugée trop dangereuse pour être exhibée : la  transparence  trouve ici ses limites. Ce qui montre une fois de plus que les grands principes de nos  démocraties avancées  sont à géométrie variable.

Aux Etats-Unis, certes, dont plusieurs états appliquent encore la peine de mort, mais après jugement, et aussi dans des pays qui l'ont abolie par exemple en France : n'a-t-on pas entendu notre premier ministre affirmer au 20h de France 2 que  justice avait été rendue  ? Naturellement, tout le monde, enfin presque, se réjouit de l'élimination du sinistre  ennemi public n°1 . Mais imagine-t-on pour autant qu'un ministre ou d'ailleurs un journaliste ou quelque  expert  ose un jour affirmer :  justice a été rendue  après qu'un violeur et tueur d'enfants, par exemple, aura été liquidé par le père d'une de ses victimes ?

Les mêmes pays démocratiques qui se targuent de respecter le droit s'en affranchissent aisément voire allégrement tant que l'opinion applaudit. L'intervention en Lybie en est un autre exemple : son but officiel, béni par l'ONU, était et reste celui d'empêcher des massacres. Mais les massacres se poursuivent et la cible de l'Otan est bel et bien, de plus en plus ouvertement, Kadhafi lui-même. Quitte à tuer des membres de sa famille, un de ses fils et trois de ses petits enfants en bas âge, sans que cela soulève la réprobation générale. Ce n'est qu'un  dégât collatéral  de plus. Il eût mieux valu pratiquer en son temps contre le terroriste Kadhafi et lui seul ce qui vient d'être réussi contre Ben Laden.

Bien entendu, le terrorisme islamique et le terrorisme d'Etat survivront à la mort de Ben Laden comme à l'éventuelle élimination de Kadhafi. Ce ne sont pas les pays qui manquent pour offrir des bases au premier tout en pratiquant le second, comme le Pakistan -refuge de Ben Laden pendant des années-, ou la Syrie -où le sang coule autant et plus qu'en Libye, mais en toute impunité-, sans parler de l'Iran ou de l'Arabie Saoudite. Les uns sont pourtant officiellement des  alliés  des Américains tandis que les autres les vouent aux gémonies, mais en réalité on y rencontre, du sommet de l'Etat à l'homme de la rue, la même détestation de l'oncle Sam et des  croisés  européens.

L'avenir dira si les pays où se déroule la  révolution arabe  – la Tunisie, l'Egypte, demain peut-être la Libye – prendront un autre chemin. Le meilleur marqueur de cet éventuel changement de cap est le sort qu'ils réserveront aux minorités chrétiennes. Pour l'instant, celles-ci ont tout lieu de redouter de servir une fois de plus de bouc émissaire aux foules musulmanes déchaînées. D'où ce cri d'alarme, le dernier en date, du patriarche d'Antioche et de tout l'Orient d'Alexandrie et de Jérusalem, Sa Béatitude Gregorios III :  N'encouragez pas les révolutions !  écrit-il dans une lettre adressée depuis Damas aux principaux chefs d'Etat d'Europe et d'Amérique.  Demandez aux Chefs d'Etat des pays arabes, exigez d'eux qu'ils œuvrent pour le vrai développement ! Exigez d'eux un plan clair et courageux ! Mais n'encouragez pas les révolutions ! Si vous voulez voir encore des chrétiens en Terre Sainte, au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Irak, en Egypte et dans les pays du Golfe ... faites la paix ! . Sinon, prévient-il,  les chrétiens seront les premières victimes de ces révolutions, en Syrie surtout, mais aussi dans les autres pays arabes , comme ne l'a que trop prouvé la guerre civile irakienne. En effet, ose-t-il ajouter en heurtant de front la foi en l'instauration de la  démocratie universelle  en vogue à Washington et ailleurs,  nos pays arabes ne sont pas préparés pour les révolutions, ni même pour la démocratie selon le type et le modèle européens. Et cela à cause de leur structure sociale, religieuse et démographique, et de leur pluralisme très diversifié et ramifié.. C'est le bon sens. Mais de tels propos sont-ils recevables de pays qui, ayant rompu avec leurs racines chrétiennes, ne comprennent pas que des chrétiens veuillent rester dans leur pays et y risquer leur vie par fidélité à la foi qu'on y pratique depuis l'aube du christianisme ? Peuvent-ils être reçus d'esprits tétanisés par le tabou qui empêche d'avouer que l'islam n'est pas compatible avec la démocratie ? Quand en outre le patriarche conclut en demandant  la solution du conflit israélo-palestinien et la reconnaissance de l'Etat palestinien  comme condition sine qua non de la paix, il viole un autre tabou en renvoyant l'Occident à son incapacité permanente à faire entendre raison aussi à Israël.

 

Sources : Zenit, Apic, Imedia

 

 

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