Fondateur d'un établissement qu'il voulait libre , l'auteur dénonce la fin de la délivrance des diplômes par des jurys rectoraux dans l'enseignement supérieur libre. Celui-ci devra se soumettre à des conventions sous contrôle d'un système d'État, dont les méthodes avaient justement provoqué sa création.


Il NE S'AGIT PAS ici de se situer géographiquement ni politiquement mais plutôt sychologiquement pour essayer de comprendre. Non pas où sommes-nous donc, mais que sommes-nous devenus, nous responsables de facultés libres ?

Nous affichons la liberté comme l'un des trois piliers de notre république, et même  le premier de ces piliers. Nous professons la liberté d'opinion, valeur basique d'une démocratie. Mais nous sommes sans défense devant la pensée unique qui a dressé (ou redressé, pense-t-elle) notre échelle de valeurs et qui régit jusqu'à notre vocabulaire. Comme on est rassuré d'être comme tout le  monde , de penser que la tolérance est la vertu suprême et que la religion est bien sympathique finalement,
grâce aux confessions tardives de l'abbé Pierre ou de sœur Emmanuelle.

C'est un peu triste, bien sûr, de voir s'évanouir ainsi le bon sens.

Mais il y a plus grave encore, voici que des maîtres eux-mêmes, ou du moins réputés tels, se mettent de la partie. Après la domestication des niveaux primaire et  secondaire via le pédagogisme et la capitulation Cloupet, quelques uns encore défendaient leur pré carré, la liberté de l'enseignement supérieur. Mais ça y est, le dernier village gaulois se rend et il fête ça dans un banquet dont il est, semble-t-il heureux de faire les frais. On pense à l'un des deux personnages de la fable V du livre 1 de La Fontaine.

Qu'on en juge. Tout tient au problème posé par la religion des diplômes prétendument nationaux, délivrés par les seuls fonctionnaires, à l'exclusion de tous autres enseignants réputés incompétents, fussent-ils bardés des mêmes diplômes. L'administration rejoindrait-elle ici l'opinion publique qui ne cesse de dénoncer la dégradation de ces parchemins ? Paradoxalement pourtant, elle y tient, l'opinion, à ces diplômes dévalués !

Toujours est-il qu'un compromis avait été trouvé par la loi.  Celle-ci offrait aux établissements libres, le choix entre un accord avec un établissement public ou un jury désigné par le recteur d'académie, garant de l'impartialité de l'État. Cette seconde formule n'était pas l'idéal, ni la liberté totale, ni même l'égalité. C'était vivable et gratuit.

Les choses ont changé sinon la loi. L'administration a fait pression pour que des conventions deviennent la seule issue. C'est-à-dire, en fait, pour mettre le privé sous la tutelle du public. Que cette tutelle s'annonce paraît-il bienveillante (mais il faut payer pourtant pour se soumettre !) ne change rien au problème : il s'agit bien de limiter sinon brimer la liberté. Comment comprendre ? À moins d'une étrange et inquiétante fascination pour la servitude, c'est inacceptable dans le principe et c'est inopportun dans la conjoncture.

Le principe est clair : la liberté ne se négocie pas : celle de l'enseignement comme celle de la presse. C'est aussi le langage de l'Église.

Le moment est mal choisi. D'une part la liberté fait exploser le carcan dans le primaire par la création d'écoles entièrement libres. C'est sans doute un signe. ; D'autre part  il semble qu'au plus haut niveau de l'État, on cherche une solution enfin conforme aux dispositions européennes (cf. La Croix, 19 décembre 2008, p 17).

On aurait bonne mine de dire alors : ce n'est pas la peine, nous avons réglé le problème en le supprimant .

*L'abbé H.-M. Houard est le fondateur de l'Institut Albert-Le-Grand.

 

 

 

 

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