En dépit des pressions politiques, médiatiques et scientifiques, le président américain George W. Bush, fidèle à ses opinions, a opposé son veto au vote du Sénat prévoyant d'étendre le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

 

Le Sénat américain a adopté mardi 18 juillet cette loi à 63 voix contre 37 suite à de longs débats où les clivages politiques traditionnels furent dépassés. Dix-neuf républicains se sont joints pour ce vote à la minorité démocrate. Seule une majorité des deux tiers n'aurait pas permis au président de poser son veto. George W. Bush a donc légalement posé son veto, pour la première fois de sa présidence [1]. Des 1.116 lois signées depuis son entrée en fonction, il a menacé d'un veto 141 fois, sans y avoir recours.

Le Sénat a voté deux autres textes auxquels ne s'opposent pas la Maison Blanche. L'un sur l'aide à la recherche à partir de cellules souches non embryonnaires, l'autre interdisant "l'élevage de fœtus" ("foetus farming") c'est-à-dire la création d'embryons pour la recherche.

Le président américain a expliqué devant des enfants "flocons de neige" (nés de don d'embryon), que la loi sur le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires "franchit une frontière morale que notre société doit respecter". Évoquant "un choix entre la science et l'éthique", il a défendu les voies de recherche qui ne supposent pas la destruction d'un embryon rappelant que son administration avait voté un budget de 90 millions de dollars en faveur de la recherche sur les cellules souches non embryonnaires. En 2001, le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires avait été limité à la recherche sur 64 lignées cellulaires, 21 ont été utilisées par les scientifiques.

G. Bush a rappelé que chaque embryon, même congelé et "sans projet parental" (tel qu'il en existe 400 000 aujourd'hui aux États-Unis), est une vie humaine unique. "Nous pouvons le voir dans chacun des enfants qui nous entourent aujourd'hui" a-t-il rajouté en désignant les enfants "flocons de neige". Il a appelé les couples stériles à s'engager dans l'adoption d'embryon.

G. Bush a rajouté que l'application d'une telle loi obligerait tous les citoyens à participer à la recherche sur les cellules souches embryonnaires et donc à la destruction d'embryons.

Tony Show, le porte parole de la Maison Blanche, a précisé : "Le président considère qu'il est inapproprié pour le gouvernement fédéral de financer ce que beaucoup de personnes considèrent comme un meurtre." Conscient que les embryons congelés "sans projet parental" sont voués à la destruction, il explique que "c'est une tragédie", mais G. Bush ne peut pas laisser tuer un être vivant pour l'intérêt de la recherche.

Pour la communauté scientifique, l'argent public est indispensable car les grands laboratoires pharmaceutiques n'investissent pas sur des recherches dont les applications pratiques sont lointaines et la rentabilité jugée trop aléatoire. William Haseltine, PDG de Human Genome Science, explique : "Il faudra de vingt à trente ans avant que les cellules souches puissent être utilisées pour des applications médicales de routine. La commercialisation de ces traitements est si lointaine que j'ai simplement décidé de ne pas investir dans ces recherches."

A moins de quatre mois des élections parlementaires, la bioéthique devient un thème central de la campagne.

© www.genethique.org. Sources : Le Monde (Eric Leser) 20/07/06 - Le Figaro (Philippe Gélie) 20/07/06 - La Croix (Stéphanie Fontenoy) 20/07/06.

[1] Pour mémoire, Thomas Jefferson n'utilisa jamais son droit de veto, Franklin Roosevelt y eut recours 635 fois, Kennedy 21 fois, Clinton 38 fois et G. Bush père, 44 fois.

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