Comment vont voter les chrétiens, ce 29 mai ? Le réalisme du compromis ou l'objection de conscience, c'est la ligne de partage qui traverse le choix des catholiques, tel que nous l'avons observé à travers les correspondances reçues.

 

Premier terme de l'alternative : oui au compromis, un choix qui se veut raisonnable. On ne résiste pas au sens de l'histoire, et le rapprochement des peuples est un mouvement positif et nécessaire. Pour certains, il est encore porté par la mystique démocrate-chrétienne (la paix, la prospérité pour tous, le consensus). Le compromis proposé est l'ultime chance de rendre l'Europe plus démocratique et plus sociale, c'est une occasion unique d'agir de l'intérieur et dans le meilleur contexte possible.

Enfin, pour d'autres, il s'agit de préserver l'Europe-médicament, c'est l'argument Sarkozy : guérir la France de ses vieux démons par les vertus de l'intégration européenne.

Pour les partisans du non chrétien, la construction politique européenne est aussi une nécessité, mais les moyens entrepris dérapent. La Constitution a rompu avec l'esprit des pères fondateurs. Ils ne jugent pas le traité en lui-même, mais dans sa réponse aux désirs profonds d'une société en état de suicide démographique. Or le projet de traité est la traduction politique d'une dérive dominante à laquelle on ne peut accorder sans cesse le bénéfice du doute : la réduction de la politique à la convergence d'intérêts économiques et la définition des droits humains par consensus (ce que la Révolution française n'avait même pas osé faire).

Pour eux, sacrifier l'identité européenne à la logique de la puissance ouvre les portes à tous les arbitraires, quand il faudrait préserver l'un des facteurs centraux de la modération du politique : l'unité entre culture des nations et démocratie. Enfin, beaucoup s'insurgent contre le déterminisme du progrès : un chrétien ne peut accepter cette vision hégélienne de l'histoire, si contraire à la liberté humaine. Quant au mal français, il est moral avant d'être politique, économique ou social. La bonne médecine est donc en nous, pas dans le "politique d'abord" d'une Union artificielle.

Quelque soit le choix de chacun, il faut s'interroger, en conscience : Le soutien du compromis est-il un choix de raison morale ou pur pragmatisme ? Audace ou fuite en avant ? Générosité ou conservatisme ? Et son objection de conscience, est elle de raison ou d'émotion ? Résistance ou politique du pire, remise en ordre ou repli sur soi ?

Qui peut prétendre être le plus sage et le plus prudent ?

Après avoir lu tous les arguments, entendu parfois tout et son contraire, il est opportun d'écouter l'Église pour orienter son jugement. On a dit beaucoup de choses sur le soutien ou non des autorités catholiques de l'Église à la construction européenne (sur ses objectifs et sur ses moyens). Mais on n'a rien dit sur ses recommandations aux catholiques pour assumer leur responsabilité politique.

Nous vous proposons donc la lecture du dernier document proposé par le Magistère sur cette question. Il est signé par le cardinal Joseph Ratzinger. C'est une Note doctrinale parue en novembre 2002, À propos de l'engagement et du comportement des catholiques dans la vie politique. Un silence assourdissant a entouré sa publication en France. Il faut le regretter, car ce document, voulu et approuvé par le pape Jean Paul II, est une synthèse de l'enseignement politique de l'Eglise, un enseignement qui ne change pas, mais qui prend la mesure des réalités nouvelles auxquelles les catholiques sont confrontés, et auxquelles ils doivent répondre. En cela, le message politique de l'Église a pris une certaine gravité. On ne s'étonnera pas que la barre soit placée très haut.

Nous vous engageons vivement à lire ce document, et à le faire circuler avant dimanche. Car lundi, quoiqu'il arrive, l'engagement et la responsabilité de chacun demeurent.

> La Note doctrinale à propos de l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique: texte intégral

Pour ceux qui le souhaitent, nous vous proposons également des commentaires en accès libre, plus ou moins longs, publiés par la revue Liberté politique :

> Fr. Jean-Miguel Garrigues op, Face au relativisme moral en politique, l'heure du témoignage

> Fondation de service politique, La Note Ratzinger, un appel aux consciences

> Le dossier complet sur la Note Ratzinger

> Vous vous intéressez à la Note Ratzinger ? Venez en débattre le vendredi 10 juin de 20h30 à 22h30 à la paroisse Saint-Nicolas des Champs, Paris IIIe. Une soirée animée par la Communauté de l'Emmanuel, avec le soutien de Liberté politique.

> D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage

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