Jeune en difficulté

Dans moins de deux mois, les Français éliront celui ou celle qui présidera aux destinées du pays pour les cinq années à venir. Au vu des menaces qui obscurcissent l’horizon national, on est en droit d’espérer que la campagne ne sombrera pas dans les querelles mesquines et offrira l’occasion aux prétendants de tracer pour le pays une feuille de route claire et ambitieuse. Nous le devons aux jeunes générations, particulièrement malmenées par la dégradation de la situation socio-économique. 

Jamais la situation des jeunes n’a été aussi préoccupante qu’à l’orée de cette campagne. On cite souvent le chiffre d’un jeune sur cinq touché par le chômage. Mais cette statistique masque des disparités énormes entre une partie de la jeunesse pour qui l’accès à l’emploi peut prendre plusieurs mois, et une autre qui souffre durablement d’exclusion. 150 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification. La moitié d’entre eux est aujourd’hui sans emploi. Plus que jamais, c’est à l’école que se jouent les conditions de l’entrée sur le marché du travail. 

En toile de fond de la hausse préoccupante des cas de décrochage scolaire, on trouve souvent des familles dépassées, isolées, parfois en proie à des difficultés financières ou psychologiques, qui n’arrivent plus à faire face à leurs responsabilités éducatives. En 2009, près de 300 000 enfants ont bénéficié de l’Aide sociale à l’enfance, soit 15 000 de plus qu’en 2005.

Cette litanie de chiffres, nous en constatons les effets concrets dans les établissements d’Apprentis d’Auteuil, où nous accueillons près de 13.000 jeunes qui nous sont confiés par leur famille, les services sociaux ou le juge pour enfants. Depuis 146 ans qu’existe notre fondation, nous n’avons jamais été confrontés à une telle situation.

Forts  de ce constat, nous avons décidé d’interpeller les candidats à la Présidence de la République et à la députation en publiant, en novembre 2011, un Plaidoyer pour la jeunesse en difficulté. Nous y détaillons trois priorités, qui nous semblent devoir figurer au cœur de toute politique future en faveur de la jeunesse : la lutte contre le décrochage scolaire, le soutien aux familles dans leur mission éducative, l’accompagnement vers une insertion socioprofessionnelle durable. Dans chacun de ces domaines, nous proposons des mesures, inspirées de solutions que nous mettons en œuvre chaque jour dans nos 200 établissements.

Le prochain quinquennat sera placé sous le signe d’une crise des finances publiques. Les choix qui seront faits par les dirigeants le seront dans un cadre budgétaire contraint. Mais si l’on ne veut pas condamner une partie de la jeunesse à l’exclusion et à la précarité, il faudra affecter les  moyens  nécessaires pour faire face à l’urgence : soutenir l’internat, financer le développement des Maisons des familles, favoriser la création de crèches dans les quartiers sensibles, créer un cadre spécifique pour les 16-25 ans, lancer un plan d’urgence pour le logement des jeunes, encourager l’apprentissage pour les CAP.

Depuis des mois, nous sensibilisons les candidats à ces propositions, en leur ouvrant les portes de nos établissements et en leur soumettant nos propositions. Le 12 mars prochain, se tiendront à Paris les premières « Rencontres pour la jeunesse en difficulté » [1], un dialogue direct entre jeunes, experts, hommes et femmes politiques d'aujourd'hui et de demain, représentants du monde associatif. Une occasion pour les représentants des candidats de détailler leurs engagements pour les jeunes les plus vulnérables et leur famille. Espérons qu’ils seront à la hauteur des enjeux et des attentes des Français.

 

François Content est directeur général des Apprentis d’Auteuil.

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[1] Renseignements et inscription : www.apprentis-auteuil.org