Après le premier tour des régionales : le nouveau paysage politique français

Les débats sur le second tour des élections régionales ont occulté la transformation du paysage politique français que révèle déjà le premier tour.

D'abord se confirme la division de la France en trois camps et non plus deux : le Front national, la droite classique (Les Républicains et leurs alliés), le Parti socialiste.

L'effondrement de l'extrême gauche est sans doute plus signe de désespérance que d'assagissement ; il contribue néanmoins à la simplification. À la différence de la Grèce ou de l'Espagne, la contestation radicale se concentre désormais chez nous à droite et non à gauche.

La pondération, variable, des trois grande forces donne le visage propre à chacune des 13 régions (plus 4 d'outre-mer).

Que le Front national soit désormais le premier parti de France (28, 42 %) ne constitue pas une nouveauté mais la pérennité de cette situation confirme qu'il s'agit d'une tendance lourde. Par là même, la droite (dont FN) se trouve largement majoritaire (environ 60 %) : faut-il y voir le présage d'un effacement du Parti socialiste ou l'effet temporaire du rejet du pouvoir en place ? On peut se le demander. Il est vrai que la singularité idéologique du PS, désormais plus préoccupé par le sociétal que par le social, s'est largement diluée mais ne peut-on en dire autant des Républicains ?

La géographie électorale aussi s'est simplifiée, portant à maturité un certain nombre de tendances antérieures.

Divergence des territoires

Le fait majeur est l'affaiblissement du Parti socialiste, au point de l'obliger à se faire hara-kiri pour éviter la victoire du Front national dans trois de ses fiefs historiques : d'abord les deux plus vieilles régions ouvrières, le Nord et l'Est, ensuite la région PACA qui comprend Marseille.

Ce parti ne résiste bien qu'en Bretagne, ancien fief de la droite catholique, aujourd'hui déchristianisé. On pouvait penser que l'émergence du PS dans de veilles terres de pratique religieuse n'était qu'un phénomène passager. Même s'il faut faire la part de la personnalité de Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense propulsé sur le devant de la scène par les différentes guerres que nous menons pour le meilleur et pour le pire, le phénomène qualifié par Emmanuel Todd de christianisme "zombie" (que sont d’anciens chrétiens devenus généralement antichrétiens et non des pratiquants endormis comme beaucoup l'ont compris à tort), se confirme.

Le corollaire de cet effondrement du Parti socialiste est la consolidation du Front national sur ces terres qui ne sont pas seulement des pays de vieille industrie mais aussi des régions de passage, ouvertes sur l'axe central de l'Europe. On peut en dire autant de la Bourgogne Franche-Comté, ancienne région industrielle elle aussi, où le FN domine désormais. En dehors de la région PACA qui n'a pas été modifiée, il se peut que le regroupement des régions, mal ressenti, ait eu aussi son impact.

Autre singularité et non des moindres : l'Île-de-France où le Front national est beaucoup plus faible qu'ailleurs. Le vote d'opposition le plus crédible demeure dès lors les Républicains menés par une Valérie Pécresse conquérante. Que la mondialisation profite le plus à cette région qui distance désormais le reste de la France en termes de richesse, y explique à soi seul la faiblesse du FN.

Même efficacité de la droite classique en région lyonnaise (additionnée de l'Auvergne) où Laurent Wauquiez se défend bien ou encore dans les Pays-de-la- Loire. La Normandie et le Centre sont plus incertains.

L’impact de La Manif pour tous

Les Républicains ont au contraire leur résultat le plus faible en Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon. Étonnante région : Languedoc-Roussillon seul aurait été dominé par le Front national, Midi-Pyrénées seul par les Républicains ; par l'effet de la triangulaire la fusion des deux permet à la gauche d'y tirer son épingle du jeu.

Comme la personnalité de chefs de file a son importance, le choix discutable de Dominique Reynié, partisan de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et de la GPA, explique que les Républicains tombent au-dessous de 20 %. Encore une fois, après les élections municipales de Paris et de Strasbourg, ou les sénatoriales de Haute-Saône (qui ont vu la défaite du socialiste Jean-Pierre Michel, PS, militant infatigable du mariage homosexuel), La Manif pour tous montre sa capacité de représailles alors même que les partis d'opposition (y compris le FN) préfèrent oublier ce grand mouvement social.

Faut-il mettre tout le Sud-Ouest au chapitre des résistances de la gauche ? Sans doute pour l'Aquitaine-Poitou-Limousin, encore qu'on puisse s'interroger pour savoir si cette résistance n'est pas plus un phénomène d'appareil que de convictions. La situation en Midi-Pyrénées-Languedoc où le FN vient en tête, est, on l'a vu, plus difficile à interpréter.

L'éclatement du vote de la Corse ne permet pas pour le moment de le commenter. En dehors de la Réunion, l'outre-mer confirme cependant son orientation à gauche.

Les divergences fortes qui s'expriment entre les régions, malgré une poussée générale vers la droite, ne marquent-elles pas le début d'un mouvement centrifuge des territoires ? On peut se le demander.

 

Roland Hureaux

 

 

 

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