Le Tribunal pénal international de La Haye a annoncé, le 11 mars, la mort dans sa cellule de l'ancien président yougoslave, Slobodan Milosevic ; il était âgé de 64 ans ; des médecins serbes ont assisté à l'autopsie qui a été pratiquée le 12 mars et révélé un infarctus du myocarde ; l'hypothèse d'un empoisonnement (volontaire ?) a été évoquée.

Toujours est-il que cette mort met fin au principal volet du procès interminable dont l'ancien homme fort de Belgrade était l'objet. Ce sera surtout aux historiens désormais de reprendre le dossier cruel des guerres de l'ex-Yougoslavie, pour donner un éclairage des événements qui ne tiennent pas aux seules décisions d'un homme, en dépit de ses responsabilités majeures. Ainsi que le souligne Bernard Kouchner, les trois grands acteurs de la tragédie, le Croate Tudjman, le Bosniaque Itzebegovic et le Serbe Milosevic ont désormais quitté la scène de l'histoire et c'est en leur absence qu'il faudra réfléchir au passé et surtout reconstruire !

On ne peut faire une confiance démesurée à la justice internationale même si elle permet de demander des comptes aux criminels. Le recul propre à la science historique permettra peut-être de poser des questions sur la dissociation de la Yougoslavie et le déchirement de ses populations dans une perspective plus ouverte, sinon plus apaisée.

Milosevic était le produit de l'ancien système — communiste — et son ralliement au rêve de la Grande Serbie ne doit pas faire illusion. C'est le cynisme qui caractérise d'abord le personnage politique. Et s'il joua des réflexes de solidarité ethnique ou religieux, ce fut toujours par opportunisme. Le processus de dissolution de la fédération, autrefois verrouillée par Tito, satisfaisait apparemment aux pulsions d'indépendance de ses trois grandes composantes. Mais c'était surtout un immense malheur qui s'abattait sur ces peuples qui, en perdant leurs liens de solidarité, étaient condamnés aux affrontements inexpiables de la guerre civile.

Dans ce type de conflits, la religion est souvent instrumentalisée. La dénoncer comme facteur de haine convient à une rhétorique facile et ses utilisateurs ignorent les faits aussi patents que la détermination du patriarche orthodoxe de Belgrade à servir la cause de la paix, en n'acceptant jamais que les héritages spirituels puissent être subordonnés à des ambitions et des buts de guerre.

Aussi est-il temps de réconcilier le destin des peuples des Balkans, en refusant qu'il soit grevé par une fatalité aveugle. Leur entrée, tous ensemble, dans l'Union européenne est une nécessité urgente pour remédier à leur isolement, à leur pauvreté et à leur sentiment d'être exclus des chances d'une renaissance. Apurer les comptes du passé est une chose. Répondre à la désespérance des jeunes générations, tentées pour le moment par la seule solution de l'exil, est un impératif beaucoup plus urgent. Il faut sortir du cauchemar des guerres civiles pour retrouver la fraternité des peuples et leur solidarité pour un nouvel essor.

*À paraître dans le prochain n° de France catholique

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