[Source : Familles Chrétiennes]

Face à la levée de bouclier médiatique, le Conseil de l’Ordre a dû suspendre la consultation sur la clause de conscience des pharmaciens. Le point avec Camille Yaouanc, du réseau Pharmac’éthique.

Le Conseil de l’Ordre a souhaité consulter les pharmaciens sur la possibilité d’introduire une clause de conscience concernant « les actes pharmaceutiques susceptibles d’attenter à la vie humaine ». Il vient de suspendre cette consultation. Pourquoi ce sujet est-il abordé aujourd’hui ?

Le Conseil de l’Ordre a engagé en septembre 2015 un remaniement du code de déontologie qui régit la profession depuis 1953, et avait été modifié en 1995. Deux groupes de travail ont été formés, et un article a été rédigé pour ouvrir la clause de conscience aux pharmaciens. Ils sont les seuls professionnels de santé à ne pas disposer de cette clause, dont bénéficient les médecins, sages-femmes, auxiliaires médicaux… Au départ, nous étions moins concernés par ces sujets, mais nous le sommes de plus en plus avec l’évolution des lois sur le début et la fin de vie.

Début juillet 2016, l’Ordre s’est réuni pour ce projet de code de déontologie, mais la question de la clause de conscience faisant débat, une consultation interne a été lancée sur l’article en question. De là est partie la polémique. L’Ordre a choisi une procédure démocratique pour consulter ses pharmaciens, mais dans une grande confusion et en très peu de temps, la campagne est devenue idéologique.

La ministre des Familles Laurence Rossignol, le Planning familial et certaines associations féministes se sont alarmés. Quel est le problème ?

Ils pensent que la clause de conscience est une « mesure anti-avortement ». Ils souhaitent être libres d’agir comme bon leur semble, mais refusent d’offrir ce droit aux pharmaciens, c’est du totalitarisme ! Ils assènent que le patient est autonome, mais quid de l’autonomie du professionnel ? Les pharmaciens devraient-ils démissionner de leur responsabilité de professionnel de santé face à la demande toute puissante des patients ? La clause de conscience que nous appelons de nos vœux est la même que celles des autres professionnels de santé. Elle est encadrée, et permet donc de fixer des règles et d’éviter les dérives.

Le problème concerne bien sûr l’avortement et l’euthanasie ?

Oui, tous les actes pharmaceutiques qui porteraient atteinte à la vie, par exemple la dispensation du RU 486 (avortement médicamenteux). Quand on dit « atteinte à la vie », on entend avortement. Pourtant, la polémique s’est déployée au-delà, s’engageant notamment sur le terrain de la contraception. Paradoxalement, ceux qui ont lancé la polémique reconnaissent ainsi que la contraception d’urgence est une atteinte à la vie, tout comme l’avortement. En réalité, les pharmaciens qui aujourd’hui refuseraient de dispenser un produit sont minoritaires. Les médecins ont une clause de conscience depuis la loi Veil de 1975, ce qui n’a empêché ni avortement ni contraception.

Quand la clause de conscience sera-t-elle ou non autorisée ?

L’Ordre se réunira de nouveau le 6 septembre sur ce projet de code de déontologie, et la question d’une clause de conscience sera de nouveau posée. 85 % des pharmaciens qui ont voté lors de la consultation internet sont favorables à l’introduction d’une clause de conscience dans le code de déontologie, comme l’a montré le sondage CSA. Nous espérons que ce son de cloche soit entendu !

Faire valoir l’objection

Pharmac’éthique est une jeune association de pharmaciens étudiants et jeunes professionnels de toutes filières désireux d’exercer leur métier en conscience, c’est-à-dire en assumant pleinement leur responsabilité de professionnel de santé : « Le pharmacien n’est pas un simple distributeur de médicament ! », affirment-ils. Leur but est de promouvoir une clause de conscience pour leur profession, de former et d’informer au sujet de l’éthique dans le domaine de la santé et de la déontologie.

Informations : reseaupharma@gmail.com

Olivia de Fournas